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De l'accountability aux standards : la traduction européenne des politiques de la performance.

Par adminDernière modification 20/06/2006 11:57

Communication de Romuald Normand

Romuald Normand, UMR Éducation & Politiques

Définitions préalables

Dans le monde anglo-saxon, les «  standards  » correspondent à des normes relatives aux savoirs scolaires que les enseignants doivent chercher à atteindre avec leurs élèves. Bien que les définitions soient très variables d'un spécialiste de l'évaluation à l'autre, il est possible de distinguer les standards de contenu qui visent à évaluer ce qu'un élève est capable de réaliser ou d'accomplir dans un domaine d'études (contenu ou matière) à différents moments de sa scolarité et les standards de performance qui correspondent à un niveau de performance que les élèves doivent démontrer au regard d'un standard de contenu. Plusieurs niveaux de performance peuvent être gradués et désignés par des termes comme «  exceptionnel  », «  avancé  », «  novice  » et «  débutant  ».

L'«  accountability  » concerne l'ensemble des procédures d'évaluation associées à la mesure de la performance des élèves, et par conséquent des enseignants. Ces derniers doivent rendre compte de leurs résultats à l'ensemble de la communauté éducative : parents, chefs d'établissement, inspecteurs, administrateurs, etc. En plus d'être considérée comme une mesure objective des résultats des élèves, des enseignants, et des établissements scolaires, cette forme d'évaluation vise à rendre les individus et les organisations responsables ( accountable ) de leur performance ou de leur efficacité.

« Accountability » et « standards » : des instruments au service d'une rhétorique politique

L'intérêt international pour le développement d'instruments de l'«  accountability  » a émergé des programmes de lutte contre la pauvreté de l'administration Johnson. Des réseaux de recherche sont nés à partir des opportunités offertes par l'American Educational Research Association et la connexion avec des universités et des organismes américains. Leurs travaux remettaient en cause les programmes de recherche ayant accompagné la lutte contre la pauvreté aux États-Unis, notamment le rapport Coleman et les évaluations vivement débattues à l'époque des programmes Head Start et Follow Through .

La question qui préoccupait les défenseurs des « écoles efficaces » dans les années soixante-dix était de revoir le postulat selon lequel les écoles n'auraient pas d'effets déterminants sur la réussite scolaire des élèves. Ces chercheurs voulaient au contraire étudier la manière dont l'organisation et l'enseignement pouvaient avoir un impact différent selon les écoles, et ils cherchèrent à identifier un certain nombre de facteurs et à construire un certain nombre de mesures pour vérifier leurs hypothèses.

Ces travaux reçurent un écho favorable des États américains et du gouvernement britannique dans un contexte où la maîtrise et la rationalisation des dépenses publiques d'éducation devenaient en soi un objectif prioritaire pour faire face à la crise économique. Bientôt, les questions d'éducation nourrirent l'agenda politique néo conservateur. En 1983, la Maison Blanche publia un document incendiaire critiquant fortement l'éducation américaine. Intitulé A Nation at Risk , ce rapport tirait des conclusions sur les « échecs » de l'éducation américaine perçus comme un « danger pour la Nation ». Bien que le document n'apporte aucune preuve à l'appui de ces commentaires catastrophés (celui-ci étant vide de toutes données statistiques) A Nation At Risk accusait les élèves américains ne pas être à la hauteur des comparaisons internationales de résultats, et en rendait responsables la faiblesse des programmes scolaires et le manque de talent des éducateurs.

En Angleterre, la critique conservatrice fut préparée par une série de Black Papers qui, de la fin des années soixante jusqu'au milieu des années soixante-dix, diffusèrent des thèses auprès de l'opinion sur la médiocrité et l'égalitarisme de l'éducation publique. Certains de ces protagonistes, parmi lesquels Cyril Burt dont les travaux ont été depuis fortement contestés, exprimaient leur déception de la disparition des tests d'intelligence ayant accompagné l'émergence de la Comprehensive School et la démocratisation du système éducatif. En 1976, l'affaire Tyndale (une école primaire qui avait « abusé » des méthodes actives) et le rapport Benett (critiquant l'efficacité de ces méthodes), largement relayés par les media, contribuèrent à faire avancer la thèse de l'«  accountability  » tout en dénonçant l'inefficacité des enseignants et la trop grande autonomie à l'école primaire.

Au milieu des années 90, les politiques travaillistes de la « Troisième Voie » prolongeaient celles des néo conservateurs dans une même recherche d'élévation des standards, la publication des «  league tables  » (les résultats aux examens publics comme le GCSE : General Certificate of Secondary Education ) permettant d'accroître la responsabilité des enseignants et des chefs d'établissements dans l'atteinte des résultats. Après avoir créé l'OSFTED ( Office for Standards in Education ) afin de renforcer le contrôle et l'inspection des écoles, le département de l'éducation anglais lançait la Standards and Effectiveness Unit ainsi qu'une Standard Task Force visant à promouvoir les « bonnes pratiques » et garantir l'atteinte des cibles ( targets ) concernant les compétences de base des élèves.

Élever les standards en Europe : les instruments de la convergence ?

Élever les standards de l'apprentissage constitue bien un objectif de la Commission Européenne comme elle l'écrivait déjà dans son rapport sur Les objectifs futurs des systèmes d'éducation et de formation (2001). Depuis cette date, un programme stratégique a été adopté visant à améliorer la qualité et l'efficacité des systèmes d'éducation et de formation. Les décisions conjointes de la Commission et du Conseil Européen ont conduit à l'adoption de la Stratégie de Lisbonne fixant comme objectif à l'Union de «  devenir en 2010 l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde  ». En 2003, des critères de références communs ont été fixés, notamment un nombre total de diplômés en mathématiques, sciences et technologie devant augmenter de 15% et une réduction de 20% du pourcentage des élèves de 15 ans ayant de faibles compétences en lecture.

Cet accroissement des compétences «  nécessaires à l'entrée dans la société de la connaissance » est mesuré par les évaluations internationales tirées en grande partie de l'enquête PISA. La stratégie de Lisbonne se concrétise par la mise en œuvre d'une Méthode Ouverte de Coordination (MOC) qui vise à promouvoir des « bonnes pratiques » et assurer une meilleure convergence en donnant un rôle central aux indicateurs et au «  benchmarking  », c'est-à-dire à la comparaison des performances entre États Membres.

Les conclusions de Lisbonne ne font pas référence à des « standards » mais à des « compétences-clés » ( basic skills ) qui sont les «  compétences indispensables à l'accomplissement personnel du citoyen européen [capital culturel], au développement de son intégration sociale [capital social] et de son employabilité [capital humain]  ». Plus prosaïquement, il s'agit des compétences dans la langue maternelle, les langues étrangères, la lecture, les mathématiques et les TIC, le civisme et la relation entre personnes, l'« apprendre à apprendre », l'« esprit d'entreprise » et l'«expression culturelle » Un groupe de travail a proposé récemment un cadre de référence pour ces compétences-clé afin de décrire les « éléments essentiels » définissant la « maîtrise de la compétence » d'un niveau « basique » à un niveau « plus avancé », en s'appuyant notamment pour la lecture et les mathématiques sur les outils de mesure fournis par les enquêtes internationales PISA et IALS.

Expériences anglo-saxonnes : un bilan fortement controversé

Alors qu'au niveau européen, les politiques d'éducation semblent être engagées dans une recherche de la performance, même s'il existe des différences significatives d'un pays à l'autre selon l'agenda politique des réformes et la nature des évaluations conduites, il convient de faire retour dans le monde anglo-saxon pour y dresser un bilan des politiques d'«  accountability  » et d'«  élévation des standards  ». En effet, les instruments qui ont été mis en œuvre au cours des vingt dernières années y sont de plus en plus débattus et contestés. Faute d'en donner un compte rendu exhaustif, voici quelques-unes des critiques adressées régulièrement aux évaluations des performances des élèves mesurées par des tests :

•  Les tests peuvent présenter des biais non seulement dans leur construction mais aussi concernant leur capacité prédictive et les critères utilisés au regard de certains groupes sociaux .

•  plus un indicateur de performance est utilisé pour la prise de décision, plus il a de chances de distordre ou de corrompre le processus qu'il est censé piloter.

•  Si les enseignants perçoivent que des récompenses ou des sanctions sont attachées à la production de résultats, ils n'enseignent plus que pour les tests ( teaching to the test ) et délaissent les autres aspects de la pédagogie

•  Quand les tests visent des objectifs de performance, les examens passés contribuent à définir le curriculum. Une fois qu'une batterie de tests a été mise en place pendant plusieurs années, les enseignants perçoivent le type d'activité intellectuelle exigé préalablement aux questions et préparent les élèves en conséquence

•  Quand ils enseignent pour les tests, les enseignants prêtent attention à la forme du test comme à son contenu. Cela peut contribuer à rétrécir le champ de l'instruction, de l'étude, ou des apprentissages au détriment d'autres compétences (rétrécissement du curriculum)

•  Les tests ont trop souvent été utilisés par les États à des fins d'orientation et de sélection inappropriées qui accroissent les inégalités et renforcent les discriminations entre les élèves.

•  Ce ne sont pas seulement l'effet maître, l'effet classe, ou l'effet établissement qui déterminent le niveau de résultats des élèves mais aussi le « school-mix effect », c'est-à-dire la composition sociale des établissements scolaires. Par conséquent, la priorité des politiques d'éducation ne devrait pas être l'accroissement de la performance des écoles par le management ou par des stratégies d'innovation mais par la prise en compte des effets réels de la ségrégation sociale entre écoles.

•  Les politiques des «  standards  » et de l'«  accountability  » en cherchant à rendre les écoles et les enseignants plus « efficaces » ont contribué à promouvoir un management de la performance contribuant à détruire la confiance envers les enseignants tout en les faisant entrer dans un « nouvel âge de l'insécurité ».

• 

Lutter contre la pauvreté aux États-Unis : un « retour de cycle » ?

Aux États-Unis, dans les années soixante, des politiques fédérales avaient cherché à lutter contre la pauvreté des écoles et à réduire les inégalités entre les élèves blancs et noirs en augmentant les ressources allouées au système éducatif et en développant les premiers âges de la scolarité. Depuis A Nation at Risk, ces politiques ont été abandonnées, au profit d'une centration sur les «  standards  » et l'«  accountability  ». Aussi, le dernier slogan retenu pour promouvoir un changement de la politique fédérale, «  No Child Left Behind  » (aucun enfant laissé à l'abandon), ne manque pas d'ambiguïté quand on sait que ce programme vise surtout à lier le financement des programmes compensatoires aux résultats des écoles, en leur imposant des standards dans les compétences de base comme la lecture, les mathématiques, et les sciences. Chaque État doit augmenter la performance des élèves pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement fédéral pour 2013-2014. Tous les ans, les écoles sont contraintes de rendre compte à partir de leurs résultats par race, ethnicité, pauvreté, handicap, type de langue. Si elles ne montrent pas de progrès au cours de cette période, les districts et les États doivent entreprendre des actions comme le changement de l'équipe, le libre choix d'une autre école pour les parents, le paiement de tuteurs pédagogiques, et en dernier recours la restructuration complète de l'établissement. Parallèlement, est mis en place un processus de «  benchmarking  » et d'alignement des standards entre États.

De nombreuses études empiriques ont été conduites aux États-Unis pour évaluer la façon dont la pauvreté pouvait avoir des effets sur la réussite scolaire et le développement cognitif des enfants. Les résultats sont sans appel. Des études longitudinales ont pu démontrer que le revenu de la famille était un bon prédicateur de la performance cognitive et académique des enfants, même quand d'autres caractéristiques de la famille étaient prises en compte. D'autres chercheurs ont exploré les différences de réussite dans la lecture et les mathématiques selon la race, l'ethnicité, le statut socio-économique pour des élèves accédant à l'enseignement préscolaire. Ils montrent que la pauvreté a un impact négatif sur la performance intellectuelle. Certaines enquêtes sont allées beaucoup plus loin. Plusieurs programmes ont cherché à mesurer les effets d'une augmentation du revenu des familles pauvres sur la réussite scolaire des enfants. Ils montrent que même une légère augmentation des ressources monétaires des familles améliore le comportement des élèves et leur réussite scolaire telle qu'elle est mesurée par des tests dans les compétences de base.

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