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Les politiques récentes de formation continue : quels modes de régulation en présence ?

Par adminDernière modification 20/06/2006 13:28

Communication de Pierre Doray

Pierre Doray

Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie

Département de sociologie, Université du Québec à Montréal

Le système scolaire a connu, dans la plupart des pays développés, des transformations impor­tantes sous l'impulsion de réformes et de nouvelles politiques éducatives qui ont introduit de nouveaux référents normatifs ainsi de nouvelles formes de coordination de l'action en son sein et avec des milieux externes. À cet égard, des travaux récents ont souligné, avec des diffé­rences notables entre les pays, la montée de nouveaux modes de gouvernance fondés sur différents référents politiques. Ainsi, la montée des relations de concurrence (accentuation du fonctionnement en marché ou quasi-marché) entre les établisse­ments ou la recherche d'un fonctionnement en réseau sont signalées. Les instances intermédiaires et locales du système jouent un rôle plus significatif dans la planification des pratiques et l'allo­cation des ressources. La reddition de comptes est plus forte­ment présente, les modes d'évaluation du système ont été sensiblement modifiés et les idéaux de démocra­tisation de l'éducation semblent moins centraux dans les objectifs des politiques et des réformes. Mais qu'en est-il de l'éducation et de la formation des adultes? Assistons-nous à des changements équivalents? Les idéaux de démocratisation, à la source même du développement de l'éducation des adultes sont-ils toujours présents? Quelles formes de coordination sont mises en œuvre dans l'organisation de la formation des adultes?

Au cours des vingt-cinq dernières années, le champ québécois de l'éducation et de la forma­tion des adultes a aussi connu, sous l'impulsion des politiques fédérales et provinciales, d'impor­tantes transformations identifiables à une réforme de grande envergure, car les nouvelles mesures et les nouveaux dispositifs progressivement introduits portent sur l'ensem­ble du « systè­me » et impliquent tous les lieux de formation. Ces change­ments participent globalement d'un mouvement que de nom­breux observateurs britanniques et américains ont appelé le « new vocationalism », expression que nous pouvons traduire par celle de profession­nalisation de l'édu­cation ou de « virage main-d'œuvre ». Toutefois, nous avons assisté, depuis 1996, à la formulation d'une politique explicite de l'éducation des adultes. Cette dernière, publiée en 2002, rompt avec les modes d'approche des vingt années précédentes et propose des actions qui ne sont pas uniquement ciblées sur des objectifs de développement de la main-d'oeuvre. Elle resitue ainsi la problématique de l'éducation des adultes dans un cadre éducatif plus large.

L'analyse vise à cerner le développement récent de la formation des adultes en insistant sur la transformation des modes de régulation de l'éducation et de la formation des adultes. Pour ce faire, nous dégagerons les différents référents politiques qui guident l'action et les modes de coordination de l'action présents dans les nouveaux dispositifs. À cet égard, on constate que les référents politiques sont largement similaires à ceux observables au sein des réformes du système scolaire, bien que le cadre d'ensemble et les modes de régulation soient fort diffé­rents.

Une fois des éléments de cadrage théorique présentés nous rappellerons quelques éléments de constitution du champ de l'éducation et de la formation des adultes avant sa réorganisation. Nous consacrerons notre exposé à un aspect particulier moins connu du développement récent de l'éducation des adultes soit la question de l'évaluation des pratiques et de l'organisation du champ. Nous esquisserons un premier portrait des multiples pratiques d'évaluation et dégageons quelques tendances quant à la nature des pratiques en cours. La présence de multiples pratiques évaluatives souligne en particulier la montée du registre industriel dans la gouvernance du champ.

Le champ de l'éducation des adultes a connu, au cours des dernières années, une recom­po­sition importante, variable selon les différents segments du champ. La première constatation tient à l'inégale connaissance des dynamiques en œuvre dans les différents segments. Malgré les limites réelles de l'analyse, certaines tendances se dessinent nettement.

Du point de vue des référents normatifs, la recomposition s'organise largement autour d'un compromis entre les registres civique et industriel. Une partie des ressources éducatives vise les personnes, et spécialement, les jeunes, en difficulté. La politique de l'éducation des adultes souligne l'importance à accorder aux personnes peu scolarisées et à des catégories sociales ayant des besoins de formation spécifiques. En ce sens, la question de l'égalité des chances est toujours à l'ordre du jour. Toutefois, elle s'inscrit dans un champ dont les ressources servent largement à soutenir le développement économique, ouvrant largement sur un registre industriel dans lequel la professionnalisation des pratiques et des activités devient l'objectif stratégique. Le registre industriel est aussi présent par la multiplication des lieux et des pratiques d'évaluation.

Du point de vue cognitif, le changement le plus important se retrouve aussi dans la profes­sionnalisation du champ, qui se manifeste d'abord dans l'intégration de la formation en entre­prise comme segment formellement reconnu du champ, par la mise en œuvre de dispo­sitifs légaux, des programmes de financement, la mobilisation de ressources humaines pour sou­tenir les entreprises dans le développement de la formation. En lien avec les politiques et les mots d'ordre des organisations internationales, nous assistons aussi à la reconnaissance des actions associées à l'accroissement de la demande, ce qui contribue à une réorganisation du champ sur le plan des instances (ex. : comités sectoriels) et des pratiques (ex. : reconnais­sance des acquis).

Les formes de coordination de l'action restent très variées selon les segments. L'action bureaucratique est toujours présente dans la gestion des formations destinées aux personnes sans emploi et dans la gestion du système scolaire. Elle connaît même une certaine extension avec la nécessité pour les formateurs d'entreprise de recevoir une accréditation dans le cadre de la loi sur la formation de la main-d'œuvre. Les relations de concurrence (marché ou de quasi-marché, selon les segments) sont toujours importantes dans le champ avec la présence du marché privé ainsi que dans les réseaux collégiaux et universitaires du système éducatif. Une extension des relations de marché s'est fait sentir avec l'introduction de la formation sur mesure, formule selon laquelle les établissements scolaires se retrouvent en concurrence pour obtenir les contrats avec les entreprises.

Une autre tendance est la croissance de la régulation intermédiaire par la création et la mobilisation d'organismes, sectoriels ou régionaux, dont l'action est la planification locale et régionale des ressources éducatives et le soutien à la création à une demande de formation. Une grande part de ces instances intermédiaires regroupe des représentants des associations patronales, des centrales syndicales et des fournisseurs de formation (système éducatif et organismes populaires), introduisant une modulation des relations professionnelles dans le champ économique. La mise en place des organismes régionaux et locaux mobilise les « décideurs » autour des enjeux de développement économique et ceux de formation qui lui sont associés. En même temps, chaque région se retrouve aussi en compétition dans l'octroi des ressources éducatives publiques. Les instances centrales devant arbitrer entre les diffé­rentes demandes.

L'évaluation participe directement de la régulation du champ. Les pratiques d'évaluation recensées sont variées et, surtout, elles sont de plus en plus nombreuses. Elles portent sur les politiques publiques, le niveau de participation des adultes et les programmes d'ensei­gnement. Les exercices se déroulent à différents niveaux d'action : évaluation provinciale dans le cas des programmes d'enseignement et des politiques, nationale et internationale en matière de participation des adultes. Si l'évaluation est présente dans le champ, la question de la prise en compte effective par les acteurs et les instances d'éducation des résultats des évaluations devra faire l'objet de recherches plus précises.

La recomposition plus serrée des rapports éducation économie ne s'est pas réalisée de ma­nière linéaire ou continue. Elle met en évidence deux modes de mise en œuvre de réformes de grande envergure, dont un s'est réalisé en deux mouvements. Les changements en édu­ca­tion des adultes se sont déroulés en deux temps. Le premier est celui du «virage main-d'œuvre» alors que les ressources de l'éducation des adultes ont été mobilisées dans un effort de gestion du marché du travail. Il n'y a pas une politique éducative cohérente fixant des objectifs précis et précisant un ensemble de dispositifs et d'institutions qui doivent les traduire dans des pratiques éducatives. Ce premier temps comporte deux mouvements : celui de l'incitation et celui de la coercition. Le changement d'orientation tient aux articulations entre les politiques de main-d'œuvre et les orientations politiques générales. Ainsi, le fédéral a-t-il abandonné les actions incitatives au développement de la formation en entreprise dans le cadre de sa « lutte » au déficit budgétaire. Par contre, le Québec, où le gouvernement se veut plus interventionniste sur le plan économique (le parti québécois se présente comme un parti socio démocrate) et, devant l'inefficacité des mesures incitatives, a opté pour des mesures où la coercition est plus forte. Le second temps correspond à un second mode de mise en œuvre des réformes, par l'adoption d'une politique de l'éducation des adultes. Il consiste en une réforme de grande envergure telle que définie par Fullan. La réforme présente des orientations normatives précises ainsi qu'un ensemble de dispositifs et d'actions qu'il s'agit de mettre en œuvre dans une planification la plus précise possible. D'ailleurs, l'énoncé de politique est accompagné d'un plan d'action spécifiant sa mise en oeuvre.

Plusieurs facteurs ont contribué à moduler le visage de la formation des adultes. Le premier est d'ordre économique. La crise de l'emploi est un déclencheur d'une grande partie de la réorientation des pratiques d'éducation des adultes des commissions scolaires vers les jeunes décrocheurs. Les incertitudes produites par l'évolution des qualifications de la main-d'oeuvre associée tour à tour aux changements technologiques, aux changements de paradigme productif et à la mondialisation (dont une des formes concrètes a été l'ALENA) ont aussi contribué à professionnaliser l'éducation des adultes. Finalement, la question des pénuries, réelles ou appréhendées, de main-d'œuvre dans des secteurs économiques straté­giques a aussi contribué à la formulation d'une articulation plus étroite entre économie et éducation. En fait, ces articulations présentes tout au cours de la période étudiée dans les discours publics et les politiques ont suivi la même argumentation : tous les changements économiques étaient des occasions d'investir (ou de devoir le faire) davantage dans l'éduca­tion. Le discours sur la montée de l'économie et la société du savoir confirme, tout en l'amplifiant, la légitimité de cette articulation.

En parallèle, le politique a aussi eu une influence. D'abord, il faut penser que les politiques proposées par les grands organismes internationaux comme l'OCDE ont eu une influence certaine. L'ordre du jour proposé par les « think tank » internationaux est repris localement. Par exemple, la politique québécoise de l'éducation des adultes réfère explicitement à l'apprentissage tout au cours de la vie. Les justifications sont les mêmes ainsi que plusieurs des voies d'intervention. Les questions de la reconnaissance des acquis et de la gestion du champ par la demande sont directement reprises des propositions des organismes inter­na­tionaux. Par ailleurs, d'autres aspects politiques ont eu un impact probablement plus direct. La lutte au déficit public, largement inspiré par les politiques néolibérales, a conduit à un désin­vestissement dans différents segments de l'éducation des adultes. Ainsi, les ressources consacrées à l'éducation populaire ont connu des coupures. Les institutions du réseau public d'enseignement ont aussi subi des réductions de leur budget, les ressources dédiées à l'éduca­tion des adultes n'y ont pas échappé. Par ailleurs, la constatation de l'ineffi­cacité des mesures incitatives de développement de la formation en entreprise a conduit, sous l'insti­gation d'un gouvernement plus social-démocrate, à l'adoption de la loi sur la formation de la main-d'œu­vre. Finalement, l'incorporation de l'éducation des adultes dans la réforme de l'éducation a reconfiguré la carte des acteurs ayant voix au chapitre, ce qui a conduit à une réorientation normative après moult négocia­tions et tractations. En somme, les mouvements politiques ont suivi des chemins paradoxaux voire contradictoires. D'une part, on soulignait l'importance de la formation continue et de la formation tout au cours de la vie. D'autre part, on réduisait les ressources éducatives au nom de la lutte au déficit et de l'« assainissement » des finances publiques.

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