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En Europe : l'Évaluation contre la crise des systèmes scolaires, l'évaluation en crise.

Par adminDernière modification 20/06/2006 11:24

Communication de Lise Demailly

Lise Demailly, CLERSE-IFRESI-USTL

Les dispositifs d'évaluation des politiques et des pratiques scolaires en Europe visent la résolution de la crise récurrente des modes de pilotages de l'enseignement, mais ils sont elles-mêmes en crise permanente. A l'appui de cette thèse, la communication prendra en compte l'ensemble des types de dispositifs d'évaluation existants, de PISA à la petite évaluation locale conduite par un bassin d'éducation ou une ZEP; en effet, il y a une cohérence dans le développement de l'évaluation, et l'étude de chaque segment permet de percevoir des enjeux utiles à la compréhension de l'ensemble. Elle mobilisera des données empiriques tirées de "réguléducnetwork" 1, qui a porté sur cinq pays d'Europe, ainsi que de mes travaux antérieurs (analyse d'audits d'établissements dans l'académie de Lille, observation de l'évaluation des contrats de réussite REP) et issues de la documentation disponible sur l'évaluation dans les pays scandinaves.

I Généralisation de l'évaluation comme stratégie de pilotage des enseignements scolaires européens

L'évaluation de l'action publique s'est développée et continue à se développer dans tous les pays européens. On peut même dire que c'est un élément de convergence des systèmes européens. Elle se généralise sur la base d'une rhétorique commune de modernisation des systèmes et elle présente, sur le plan sociologique, des aspects communs et convergents de fonctionnement:

1) Elle est préconisée par le "haut" . Elle se développe principalement dans des systèmes dont l'efficacité et l'équité sont mises en cause et dont le mode de pilotage est en crise. On se demandera quel est l'intérêt des dirigeants politiques ou administratifs dans cette préconisation insistante de l'évaluation

2) Ce type de pratique, qui est à la fois un outil et un état d'esprit, n'est pas la panacée espérée, puisqu'il est lui-même en crise récurrente. La segmentation des dispositifs, de leurs disciplines et de leurs objets, leur empilement peu coordonné, sont la règle. Une conséquence de cette segmentation du travail d'évaluation est que les résultats produit par chacun des niveaux intéressent très peu les autres acteurs.

3) Ce n'est pas seulement par rapport aux crises endogènes des systèmes scolaires, et aux pressions de la commission européenne, que l'on peut comprendre l'émergence et l'expansion des dispositifs. Il faut situer le développement de l'évaluation dans l'école par rapport aux transformations du management du travail humain dans les industries et les services et par rapport aux modes actuels de "gouvernementalité" (Foucault), toutes choses qui excèdent largement la question scolaire et concernent le lien politique dans les sociétés européennes.

II-Des modèles sociétaux différents

Malgré le travail d'influence et de mise en circulation de maîtres mots exercé par les instances transnationales, et malgré les points communs mis en évidence ci-dessus, il serait illusoire de croire que l'évaluation réalise effectivement une unification et une homogénéisation des modes de pilotage au niveau de l'Europe, ni même que l'outil soit utilisé de manière homogène. Le poids des modèles sociétaux est fort sur les modalités et sur usages sociopolitiques des évaluations. Comment modéliser les différences ?

La première solution possible, la démarche nomologique, autrement dit les combinaisons de variables statistiques, s'est révélée décevante, vu l'extrême fragilité des indicateurs. La démarche typologique a donc semblé plus pertinente. Elle permet d'identifier deux modèles en déclin, le modèle bureaucratico professionnel (France, Portugal, ce dernier dans une moindre mesure, car le fonctionnement bureaucratique est beaucoup plus facile dans ce petit pays).et l'éducation libérale 2 au sens strict du terme, caractérisé par la totale liberté pédagogique de l'établissement (CFB). Mais la modélisation des configurations émergentes n'est pas évidente, on peut procéder à une typologie par dimension ou à une typologie par cas.

a) par dimension. Il aurait deux dimensions en émergence : le quasi marché (la concurrence entre établissements permet d'augmenter les performances des établissements), l'État évaluateur (montée de l'évaluation externe centralisée organisée par État).Ces dimensions valorisées se combineraient de façon variable et indépendante l'un de l'autre, à faible ou hautes doses.

b) par cas :On pourrait identifier un modèle (idéal type historique) " autoritaire marchand " où le rôle de État évaluateur et celui du marché scolaire formeraient ensemble un modèle consistant et cohérent (l'Angleterre fournirait une réalisation assez approchante de cet idéal-type) . Un autre modèle serait le "modernisme de service public", à la fois bureaucratique et post bureaucratique, avec une méfiance vis à vis de la concurrence comme mode de régulation.

Les deux formulations sont voisines, mais la première, pour moi, masque le lien essentiel entre le marché et le contrôle. Or le bon fonctionnement du marché scolaire implique aujourd'hui, dans le cadre concurrentiel international, en management moderne, le recours à l'évaluation (ce qui se passera en Belgique française ou en Allemagne, après le choc de PISA).

L'explication des différences d'usage de l'évaluation pose aussi problème dans les comparaisons internationales. Pour l'Europe scolaire, la diversité des structures administrativo-politiques paraît jouer un rôle essentiel.Un deuxième facteur ne peut être écarté: celui du niveau de vie et du niveau culturel, qui permet aux Pays scandinaves et à la Suisse d'obtenir de très bons résultats scolaires globaux, alors même que leurs dispositifs d'évaluation des établissements ou des enseignants et leurs appareils statistiques sont beaucoup plus légers qu'en Angleterre ou en France.

III- Ambiguïtés des pratiques évaluatives de proximité

Conjointement avec les deux modèles institutionnels émergents, on peut construire deux pratiques idéal-typiques de l'évaluation "moderne".

-Une évaluation "inamicale " aux établissements : avec comme cadre normatif une obligation de résultat impérative , autrement dit des sanctions à l'égard de ceux qui ne marchent pas bien, des mises en concurrence entre établissements;

-Une évaluation "amicale" : formatrice, solidaire, en soutien par rapport aux établissements qui ne marchent pas bien. Avec comme cadre normatif une obligation incitative d'attention aux résultats de l'action , autrement dit une culture de la responsabilité et le rappel à une solidarité nécessaire entre établissements pour lutter (un peu) contre les mécanismes spontanés de concurrence.

Les dispositifs d'évaluation ne peuvent être indépendant des modèles organisationnels et politiques, mais comme ceux-ci sont le plus souvent superposés avec les modèles anciens, ils sont forcément ambigus et composites. Les acteurs de base ont de plus des marges de manœuvre qui leur permettent le cas échéant d'inverser les orientations.

Mais paradoxalement, au delà de cette extrême diversité des pratiques de proximité qui implique d'étudier les situations comme des configurations politiques singulières, on trouve deux éléments de convergence transnationale: les professionnalités de différentes catégories d'agents évaluateurs et les mécanismes de résistance à l'évaluation dont nous analyserons les dynamiques..

Du fait de ces résistances, les évaluations internationales ont peu d'impact direct sur les établissements.Ont en revanche un impact, que l'on pourra juger positif ou négatif selon les convictions de chacun:

-Les palmarès nationaux, qui favorisent les processus de ghettoïsation et figent les images stigmatisantes que les enseignants ont de certains établissements;

-Les évaluations de proximité effectuées par les cadres intermédiaires, agents publics ou privés, agissant soit selon un "management par la contrainte" (Courpasson), soit par un accompagnement formatif;

-Les autoévaluations réalisées par les établissements, les équipes, ou de petits ensembles d'établissements, avec l'aide d'un regard externe bienveillant. L'impact passe alors par le développement de la réflexivité. Son effectivité est conditionnée par :

•  un pouvoir des acteurs de base sur la définition sur les outils des évaluations

•  un accord valoriel et une relation de confiance éthico-politique entre la base et les initiateurs des évaluations.

Conclusion générale.

L'évaluation est préconisée comme un remède à la crise d'anciens modes de pilotage des systèmes éducatifs -elle se développe d'ailleurs beaucoup plus dans les systèmes en crise-, leurs modes de management étant dénoncés comme aveugles, régulés de manière routinière, sous informés sur leur propre fonctionnement. Elle promet l'amélioration des fonctionnements et de l'efficacité des systèmes. A ce titre, elle est destinée à une généralisation peu résistible et un avenir certain

C'est une pratique stratégique, politique. Elle est donc prise dans les enjeux d'une part des modernisations des appareils État, de la construction européenne dans une période de forte poussée des modes de réflexion néolibéraux sur la gouvernance des sociétés et leur mise en compétition tous azimuts. Elle est prise aussi dans les enjeux liés à la redéfinition des priorités, des finalités, des valeurs centrales des politiques éducatives.

Bref son sens politique n'est pas fixé et elle peut, certaines fois, être mise au service d'une action professionnelle éthiquement orientée contre les inégalités sociales et les dominations ordinaires, d'autres fois, au service d'une rationalité gestionnaire ou des intérêts sociaux des parents de classes moyennes et supérieures.Du coup, traversés par ces contradictions, les dispositifs d'évaluation sont eux-mêmes en crise permanente, que celle-ci s'exprime sur le plan épistémo-méthodologique ou directement politique, que soient mises en cause en cause leur objectivité et leur rigueur, ou leur utilité et leur efficacité, voire leur innocuité sociale.

1 Recherche menée dans le cadre du 6e PRCD, coordonnée au niveau international par C. Maroy.J'ai pour ma part coordonné l'équipe lilloise du CLERSE-IFRESI-CNRS et, avec C. Maroy, la synthèse internationale concernant les régulations intermédiaires. Je remercie la commission européenne qui a pu financer ce travail.Il a donné lieu à une quarantaine de rapports, nationaux ou transversaux.

2) Et non pas néolibéral. Le néo-libéralisme implique une intervention forte de l'Etat pour construire le marché selon certaines normes (cf. Denord).

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