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Quatre séminaires et un colloque international à l'INRP dans le cadre de la recherche « De la culture commune au socle commun ».

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L'INRP a remporté l'appel d'offres de la commission européenne intitulé : Réseau européen d'experts en sciences sociales de l'éducation et de la formation (NESSE : European network of experts in the social sciences of education and training).

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La construction d'indicateurs d'équité en Europe

von adminZuletzt verändert: 20.06.2006 12:06

Communication de Denis Meuret

Denis Meuret, IREDU

On se propose de présenter les indicateurs d'équité mis au point dans le cadre du programme européen SOCRATES par une équipe regroupant des chercheurs de six universités européennes (GERESE) puis de s'appuyer sur cet exemple pour proposer des réponses aux questions du colloque : S'agit-il de l'émergence d'un gouvernement par les normes ?

(Les parties 1 et 4 sont ici présentées de façon télégraphique, travail en cours)

  1. Historique

La réaction à la suggestion d'indicateurs d'équité au sein du projet des indicateurs de l'OCDE : " très intéressant, mais… ". En réalité, des difficultés conceptuelles et organisationnelles, davantage qu'un inintérêt (cf. la place considérable de la question des inégalités sociales dans les rapports PISA 2000 et PISA 2003), sont à incriminer.

Le renouveau de la thématique de l'équité porté par la philosophie politique et par la science économique.

L'application de cette thématique au domaine de l'éducation au sein du groupe ad hoc réuni par N. Bottani et W. Hutmacher à Genève.

Le refus de l'OCDE de mettre en oeuvre ces indicateurs et l'entrée en scène de la Commission Européenne.

Histoire du projet au sein de l'Union Européenne : un fort soutien, un fort intérêt, mais le refus, pour l'instant au moins, d'en faire une publication régulière prise en charge directement par la Commission.

  1. Le canevas

Le canevas élaboré repose sur deux grands principes :

(1) Les inégalités éducatives pertinentes pour appréhender l'équité des systèmes éducatifs peuvent être regroupées en trois grandes familles : les écarts entre individus, les inégalités entre catégories et la proportion d'individus se trouvant en dessous d'un seuil minimal.

La première famille est celle des inégalités entre les individus : A la sortie du système éducatif, les inégalités individuelles de compétences ne doivent pas compromettre la coopération sociale sur un pied d'égalité.

Trop importantes, en effet, ces inégalités entretiennent un sentiment d'infériorité des moins éduqués qui est contraire à une répartition équitable du respect de soi (Rawls, 1987). D'autre part, elles menacent le sentiment d'égalité qui est nécessaire au fonctionnement démocratique de la société politique. " L'idée (de la Théorie de la Justice) ", écrit Rawls dans la préface à l'édition française, " n'est pas simplement d'assister ceux qui sont perdants en raison d'accidents ou de malchance, mais plutôt de mettre tous les citoyens en position de gérer leurs propres affaires et de participer à la coopération sociale sur un pied de respect mutuel dans des conditions d'égalité ". Certaines compétences surtout, celles qui sont mobilisées dans les relations que les citoyens nouent entre eux (élocution, expression, compréhension,..) sont-elles concernées par ce critère. L'idée générale est donc que, puisque l'école est là pour aider les individus à " faire société " ensemble, elle ne doit pas produire de trop grands écarts entre eux.

La deuxième famille illustre le principe d'égalité des chances et celui d'indépendance des sphères (Walzer) : L'appartenance sociale d'un individu ne doit pas handicaper sa réussite scolaire.

Une large majorité, mais pas la totalité, de l'opinion trouve injustes les inégalités sociales de réussite scolaire : En Suisse, 58% des adultes les trouvent injustes, 30% les trouvent justes, et 12% ne savent qu'en penser (Hutmacher,2001). On peut penser aussi que, si nous tolérons ces inégalités, c'est aussi que nous ne les trouvons pas assez injustes pour mettre en œuvre les politiques radicales qui les atténueraient réellement (Meuret, 2000). Il importe donc de réfléchir aux critères qui font que l'inégalité sociale des chances reste ou non dans des limites acceptables du point de vue de la justice.

La juste égalité des chances est par ailleurs le second des trois principes de justice de Rawls. Son argument à lui est d'une autre nature, non point finaliste, mais contractualiste : le régime de l'égalité des chances, encadré par les deux autres principes, est celui que choisiraient les êtres humains derrière le voile d'ignorance (Rawls, 1987 ; Meuret,1999).

La troisième famille correspond au seuil en dessous duquel l'équité commande que personne ne se trouve. On peut référer ce seuil à l'égalité des functionings de Sen – notamment à celui qu'il définit : " rester digne à ses propres yeux" – ou au " cursus de base " que tous doivent maîtriser également selon Walzer. Être en dessous de certains seuils de compétence est sans doute la situation éducative qui peut avoir pour l'individu les plus graves conséquences sociales.

Dans l'enquête pilote que nous avons réalisée auprès des élèves de quatrième, 37 % des élèves interrogés donnent la priorité au premier principe ; 53 % au deuxième et 10 % au troisième. Ces principes correspondent donc tous bien, à des degrés divers, à des critères de justice présents chez les élèves (GERESE, 2003).

(2)Il importe de mesurer non seulement les inégalités performances académiques ou de carrières scolaires, mais aussi les inégalités qui se situent en amont du système éducatif et celles qui affectent le processus d'enseignement lui-même.

La sociologie a amélioré notre compréhension des mécanismes externes, et propose aujourd'hui des théories moins déterministes qu'il y a trente ans, et qui ouvrent davantage sur la possibilité d'une action correctrice (Benadusi, 2001 ; Duru-Bellat, 2002). Il est clair, cependant, que les facteurs externes ont une influence. Shavit et Blossfeld (1993) concluent que la baisse des inégalités scolaires qui s'observe dans un petit nombre de pays (Suède, Pays-Bas) s'explique plutôt par la baisse des inégalités sociales, ou la plus grande sécurité acquise par les plus pauvres dans ces pays, que par les réformes éducatives elles-mêmes. Il est d'ailleurs logique de penser que plus les inégalités (de richesse, de capital social, de capital culturel) sont grandes dans un pays, plus inégales sont les ressources que chacun peut consacrer à l'éducation, et plus grande aussi est la mobilisation de ces ressources par ceux qui les possèdent pour assurer, à travers leur réussite scolaire, la richesse de leurs enfants. La mesure de certaines dimensions de contexte, situées en amont des systèmes éducatifs, est donc nécessaire pour comprendre les inégalités éducatives et pour se prononcer sur l'équité des systèmes éducatifs : si un système A présente les mêmes inégalités d'éducation qu'un autre B, alors que le pays A est beaucoup plus inégalitaire que B, il faudra plutôt conclure que le système éducatif A est plus équitable que B. Son action compensatoire est en effet plus forte

Si, pour certaines théories de la justice, les conditions de la genèse des inégalités n'importent pas, pour d'autres – la théorie de la responsabilité, par exemple – elles sont fondamentales. Si les inégalités entre élèves s'expliquent par le fait qu'on a donné des ressources de moins bonne qualité aux jeunes élèves dont les « talents » sont les plus faibles, au lieu de chercher à compenser cette faiblesse par des ressources de meilleure qualité, elles sont injustes. Si ne demeurent que des inégalités liées aux différences de volonté des élèves – ou, s'ils sont très jeunes, de leurs parents – elles ne sont pas injustes. Il nous faut donc aussi nous efforcer de donner des éléments qui aident à répondre à la question : le fonctionnement du système éducatif joue-t-il un rôle compensatoire par rapport aux inégalités dont on hérite ou les aggrave-t-il ?

  1. Le diagnostic

Les trois types d'inégalité sont d'ampleur semblables dans la plupart des pays. De fait, la corrélation entre les valeurs des trois dimensions pris deux à deux pour un même pays est, le plus souvent, comprise entre 0,6 et 0,7. Ces valeurs indiquent cependant que les classements ne sont pas identiques pour tous les pays. On trouve des pays, comme l'Italie, où le niveau des plus faibles est très faible alors que les inégalités interindividuelles et intergroupes sociaux sont relativement faibles ; d'autres, comme le Royaume Uni et l'Irlande où les plus faibles ne sont pas laissés sur le bord de la route mais les inégalités interindividuelles assez prononcées ; ou encore d'autres, comme le Danemark, où les inégalités sociales sont faibles mais la dispersion forte et où beaucoup d'élèves ont un score faible.

Le diagnostic sur la production des inégalités permis par nos indicateurs est davantage sujet à caution, en particulier à cause de la faiblesse des indicateurs décrivant le fonctionnement des systèmes éducatifs

  1. L'insertion dans le dispositif de gouvernement de l'éducation

De part sa nature, ce projet s'assimile aux indicateurs de l'éducation de l'OCDE : non pas un tableau de bord pour piloter, mais un outil de diagnostic qui structure le débat sur l'éducation plus qu'il n'informe directement la décision politique.

Ce projet résulte de la convergence du souci d'universitaires de se fonder sur le renouveau de la philosophie politique pour repenser la question de l'équité en éducation (Ex : Meuret, D., 1999, La justice du système éducatif, de Boeck) et du souci d'experts à la frontière du monde de la recherche et du monde de l'évaluation de ne pas laisser gouverner les systèmes éducatifs uniquement eu nom de l'efficience.

Il faut aussi noter que ce n'est pas un projet dans lequel les administrations d'État ont été impliquées, ni en France ni ailleurs, du moins dans un premier temps.

Il faut aussi noter que le milieu des experts, qui ont des proportions de pieds diverses dans le monde de la recherche et celui de l'administration, qui élabore ces indicateurs a une culture totalement coupée de celle du management privé, ce qui n'est pas le cas, me semble-t-il, par exemple de la formation des chefs d'établissement. Si je puis risquer de faire la sociologie d'un milieu que je fréquente depuis longtemps, je dirais que ses acteurs se vivent comme des modernisateurs rationalisateurs wébériens plus que comme les importateurs d'une logique privée contre la logique bureaucratique.

Évoquer pour la France un nouveau paradigme de gouvernement, que ce soit à propos de ces indicateurs ou d'autres (IPES, Audits d'établissements, Regards sur l'éducation) paraît en réalité exagéré. Leur impact sur le gouvernement des établissements, pour ne pas parler des classes, demeure faible.

Il semble que les principaux utilisateurs des indicateurs se trouvent parmi les cadres intermédiaires du système, Inspecteurs d'académie notamment. Beaucoup y voient l'occasion d'essayer de mettre en place un gouvernement démocratique des établissements, à travers des réunions de leurs responsables, où sont discutés les objectifs académiques, gouvernement démocratique dont la capacité à influer sur les politiques d'établissement reste cependant douteuse.

Cette situation est différente de celle qui prévaut dans d'autres pays – les États-Unis sont celui que je connais le mieux à cet égard- où les objectifs sont fixés en terme de compétences pédagogiques que les élèves doivent posséder et où un discours fondé sur les résultats des tests en référence aux standards fixés, est, non pas tenu avec enthousiasme, mais compris et tenu pour légitime d'un bout à l'autre du système éducatif. La tâche pertinente me semble dès lors de comprendre pourquoi ce type de " gouvernement par indicateurs " peine davantage à s'appliquer en France qu'ailleurs.

Education et sociétés
Numéro 21
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