Quels rapports entre une sociologie de l'enfance et une sociologie des inégalités ?
Appel à contribution pour cet atelier du colloque "Repenser la justice en éducation"
Coordination : Régine Sirota, Université René Descartes Paris V
Si l'enfant a longtemps été une figure oubliée de la sociologie, l'apparition d'une sociologie de l'enfance et un certain nombre de travaux récents menés dans le cadre de la philosophie politique amène à une relecture du statut de l'enfant. Certains de ces travaux se situent dans la poursuite de ceux de la sociologie de l'éducation s'intéressant à l'articulation entre processus de socialisation et fabrication des inégalités sociales, d'autres s'inscrivent dans les courants sociologiques qui s'attaquent à la place de l'individu dans l'analyse de la deuxième modernité. Ces différents paradigmes s'attaquent dans des termes qui restent jusqu'à présent étrangers et étanches les uns aux autres, aux difficultés de plus en plus importantes que rencontrent toutes les instances éducatives face à cet enfant devenu problème. Une confrontation devient urgente et nécessaire car si d'un côté se développent des travaux réflexifs particulièrement stimulants, ils ignorent toute réalité empirique raisonnée, de l'autre se poursuivent des travaux empiriques qui difficilement incorporent méthodologiquement et théoriquement ces nouvelles conceptualisations. L'enfant reste, par ailleurs, encore largement un oublié de la statistique. Quant au débat social, il fait rage et interpelle au nom d'une promesse sociale de justice –à l'égard de cet alter ego paradoxal– les politiques sociales, sanitaires ou éducatives, mise en œuvre, faisant apparaître les figures les plus contradictoires de l'enfance, de l'enfance maltraitée à l'enfant roi. Se trouvent ainsi rediscutés et mis à l'épreuve les cadres de référence scientifique, qu'ils soient philosophiques, psychologiques, sociologiques ou juridiques qui pensaient et étalonnaient le développement de l'enfant et justifiaient les cadres symboliques de son administration politique.
– Dans quelle mesure les analyses menées par les sociologues de l'individualisme et par la philosophie politique sur l'évolution du statut de l'enfant dans la deuxième modernité peuvent-elles, doivent-elles s'articuler à une sociologie des inégalités, dans quelle mesure ce modèle théorique transcende-t-il les inégalités éducationnelles pour saisir et comprendre les phénomènes d'inégalité sociale ? Ou bien contredit-il celles-ci ? Dans quelle mesure est-il articulable ? Jusqu'où ce modèle est-il valide empiriquement ? Est-il spécifique à certaines catégories sociales, se répand-il et quelles en sont les conséquences ?
– À l'inverse, que veut dire cette translation du raisonnement à propos des difficultés éducatives, qui passe d'une problématique des inégalités à une problématique de l'enfant problème ? Comment et pourquoi passe-t-on d'un raisonnement portant sur les rapports de classe à un rapport de générations ? En quoi les analyses et travaux sur les rapports de genre ont-ils permis ce renversement ? Comment les conceptualisations des différents types d'inégalités se conjuguent-elles les unes aux autres, ou s'excluent-elles ?
– Dans quelle mesure le fait de constituer une sociologie de l'enfance qui postule un regard recomposé sur l'ensemble du processus de socialisation, permet-il d'envisager différemment la problématique des inégalités ? Que veut dire passer du métier d'enfant au métier d'élève et inversement du métier d'élève au métier d'enfant ?
– Les nouvelles perspectives introduites par la sociologie de l'enfance, de l'analyse des politiques à l'écoute de la parole de l'enfant permettent-elles de penser différemment la justice redistributive des politiques sociales sachant que l'enfant serait de manière paradoxale encore actuellement l'oublié à la fois de la statistique et des budgets sociaux ?
– Comment les politiques de formation tout au long de la vie redéfinissent-elles ce temps de la vie de l'enfance ? Dans quelle mesure s'agit-il d'un temps préservé de la production ? N'est-il pas au contraire par excellence le temps le plus fortement dédié à la production de soi dans une modernité devenue de plus en plus exigeante quant à la production de soi-même ? Dans quelle mesure peut-on observer la mise en place d'un système de pressions et d'exigences de plus en plus fortes, une redéfinition de la précocité et du retard et l'ensemble des normativités qui étalonnent le grandissement ou le développement de l'enfant, et de l'acceptation de leur inégale répartition sociale ?