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Les inégalités inter sexes en EPS : sont-elles perçues injustes chez les élèves de second degré ?

Par adminDernière modification 20/06/2006 00:29

Communication de Vanessa Lentillon pour l'atelier 8 "Justice et inégalités de sexe en éducation"

Vanessa Lentillon
Centre Recherche et d'innovation sur le Sport
Université Claude Bernard, Lyon 1
vanessa.lentillon@univ-lyon1.fr

Geneviève Cogérino
Centre Recherche et d'innovation sur le Sport
Université Claude Bernard, Lyon 1

Introduction

Les inégalités inter sexes sont présentes dans la société, dans le sport, à l'école et plus particulièrement en Éducation Physique et Sportive (EPS), notre terrain de l'étude. Ces dernières sont toujours en faveur des garçons et sont perceptibles à différents niveaux :

• Des contenus enseignés et évalués au masculin : des activités connotées « masculines » plus nombreuses, des entrées dans l'activité « étrangères » pour les filles, des barèmes peu sensibles aux différences génétiques (Cleuziou, 2000 ; Combaz, 1992) ;

•  Des inégalités de traitement : des attentes et interactions stéréotypées des enseignants en faveur des garçons (Couchot-schiex & Trottin, 2005) ;

•  Des inégalités de réussite de plus d'un point en faveur des garçons : l'orientation masculine de l'EPS permet plus facilement des garçons que celle de filles (Combaz, 1992 ; Cleuziou, 2000 ; Vigneron, 2005).

Ces inégalités inter sexes sont-elles perçues comme injustes par les élèves de second degré ?

Objet de notre étude

Les travaux sur les sentiments d'injustice des élèves sont nombreux dans le domaine des sciences de l'éducation (Meuret, 1999) mais ils restent rares dans le domaine de l'EPS : une seule étude canadienne a été trouvée (Martel & al., 1999). Par ailleurs, très peu de travaux s'intéressent aux variations de justice perçue selon les caractéristiques des élèves.

Notre travail consiste à caractériser comment les élèves ressentent les inégalités objectives en EPS. La réalité objective ne se confond pas avec la perception de cette réalité. Ce travail s'inscrit dans une perspective de cognition sociale et s'appuie sur les théories de la justice sociale et la théorie de la privation relative. Comme l'évaluation de la justice, la perception de privation est subjective, elle dépend de la définition individuelle de son manque (Olson & Zanna, 1993). Les sentiments d'injustice sont stratégiques et vont dépendre de l'intérêt que l'individu accorde à la récompense reçue (Kellerhals & al., 1988). Deux types de récompenses sont distingués dans notre étude : les récompenses « instrumentales », les notes obtenues en EPS et celles « relationnelles », le soutien de l'enseignant et des pairs, filles et garçons de la classe. Les problèmes de justice distributive (notes et soutien), procédurale (procédures d'évaluation) et interactionnelle (interventions de l'enseignant et interactions entre pairs) sont abordés conjointement dans notre étude. Les injustices au plan individuel et inter sexe sont également explorées.

Notre centration porte prioritairement sur les différences inter sexes d'attitudes, d'injustices perçues et en fonction de leurs schémas de soi lié au genre. Secondairement, l'analyse porte sur les variations inter individuelles et intra sexes en fonction d'autres caractéristiques psychologiques, sociales et scolaires des élèves : la réussite en EPS, les attentes de réussite, l'importance accordée aux récompenses, la pratique sportive, le type d'établissement fréquenté (favorisé/défavorisé) et l'âge.

Méthodologie

Au total, 1620 élèves de second degré ont été interrogés par questionnaires composés prioritairement d'échelles de Likert et 86 élèves par entretiens semi directifs. Les questionnaires permettent uniquement d'évaluer la justice distributive perçue alors que les entretiens permettent d'aborder également les notions de justice procédurale et interactionnelle. Des tests statistiques univariés et multivariés ont été effectués sur les données issues des questionnaires et une analyse de contenu sur celles issues des entretiens.

Résultats et discussion

Les inégalités au niveau de l'évaluation (notation) sont les plus saillantes en EPS alors que les injustices inter sexe perçues au niveau du comportement de l'enseignant sont rares.

● Si les élèves ont majoritairement conscience que les garçons obtiennent en moyenne des notes supérieures à celles des filles en EPS, ils sont globalement satisfaits de cet état de fait, et la majorité des injustices distributives perçues concerne les notes des filles non méritées ou supérieures à celles des garçons. Les injustices procédurales concernent quant à elles prioritairement les mesures qui tendent à rétablir l'équité inter sexe ou des procédures qui favorisent les filles : des barèmes trop différents entre les filles et les garçons, l'absence de barèmes plus faciles en faveur des garçons dans les activités « féminines », des biais évaluatifs prioritairement en faveur des filles. La norme du mérite sous-tend les perceptions d'injustice des élèves au niveau des notes. Les élèves trouvent normal que les garçons aient des meilleures notes que les filles en EPS parce qu'ils méritent leurs meilleures notes (plus sportifs, plus forts, plus investis) alors que les filles ne méritent pas leurs bonnes notes car elles sont dues uniquement aux barèmes de notation trop faciles (cause externe et incontrôlable par les filles).

Bien que les garçons soient les plus en réussite en EPS, ils perçoivent davantage d'injustices au niveau de l'évaluation : ceci est vrai pour les injustices distributives au niveau individuel et inter sexe et pour les injustices procédurales au niveau individuel. Les injustices procédurales perçues diffèrent entre les deux sexes tant au plan individuel qu'inter sexe. Les garçons perçoivent des injustices face aux mesures qui cherchent à rétablir l'équité en EPS et donc les désavantagent et les filles perçoivent des injustices au niveau des éléments qui les défavorisent réellement en EPS.

● La majorité des élèves pense que l'enseignant se comporte de la même manière avec les filles et les garçons de la classe. Moins d'un tiers des élèves perçoivent des différences de traitement inter sexe, pour moitié d'entre eux en faveur des filles et pour moitié d'entre eux en faveur des garçons. Les injustices inter sexes sont seulement présentes lorsque l'enseignant favorise les garçons dans ses interactions. Si au niveau des notes et de l'évaluation, les injustices inter sexe sont perçues prioritairement en défaveur des garçons, au niveau du soutien, les injustices sont seulement perçues en défaveur des filles. Cette différence peut être reliée aux normes de justice qui sous-tendent ces perceptions. La norme de justice du mérite sous-tend les perceptions au niveau des notes et la norme du besoin celles relatives au soutien. Les garçons reconnus comme plus forts doivent obtenir de meilleures notes que les filles en EPS, c'est la norme et les filles plus faibles doivent obtenir plus de soutien de l'enseignant, c'est la norme également.

Si les garçons perçoivent davantage d'injustices au niveau des notes et de l'évaluation et sont davantage affectés par ces injustices perçues, la situation inverse est observée au niveau du soutien. Les filles sont plus affectées par le comportement de l'enseignant que les garçons. Elles perçoivent un degré d'injustice plus élevé au niveau des interventions de l'enseignant, plus d'injustices au niveau du soutien de l'enseignant aussi bien au niveau individuel qu'inter sexe et ont davantage de réactions face aux injustices perçues.

Nos résultats mettent en évidence des injustices perçues qui ne reflètent pas les inégalités inter sexes présentes en EPS. Ils corroborent ceux de Kellerhals & al. (1988) : pour lui, les injustices perçues sont stratégiques et dépendent des caractéristiques sociales des individus. Les injustices diffèrent entre les deux sexes et sont à relier à leur socialisation différenciée. Les injustices perçues sont les plus saillantes dans les domaines qui importent aux élèves. Le relationnel, le soutien sont des traits typiquement féminins alors que la réussite, la domination, surtout en EPS, sont des traits typiquement masculins. Les différences entre les sexes au niveau de la justice peuvent s'expliquer la théorie de Carol Gilligan (1986). Elle propose une théorie du développement moral de la femme : une morale des droits et de la justice caractérise les mentalités masculines, alors que les personnalités féminines seraient plus modelées par une morale de la responsabilité, du partage et pourraient donc plus être appréhendées en terme d'empathie qu'en termes d'équilibre de droits, créances et dettes.

Bibliographie

Cleuziou, J.-P. (2000). L'analyse des menus et des notes. In B. David (dir.), Education physique et sportive : La certification au baccalauréat (pp. 77-124). Paris : INRP.

Combaz G. (1992). Sociologie de l'Education sportive. Paris : PUF, collections Pratiques corporelles.

Couchot-Schiex, S. & Trottin, B. (2005). Interactions enseignants/élèves en EPS : variations en fonction du sexe et du genre. In G. Cogérino (dir.), Filles et Garçons en EPS (pp.163-179). Paris : Editions Revue EPS.

Gilligan, C. (1986). Une si grande différence, Paris : Flammarion. Traduction de Annie Kwiatek de son ouvrage de 1982 : In a different voice: psychological theory and women's development. Cambridge, MA : Harvard University Press.

Kellerhals, J., Coenen-Huther, J. & Modak, M (1988) Figures de l'équité : la construction des normes de justice dans les groupes. Paris : PUF.

Martel, D., Gagnon, J., Pelletier-Murphy, J., Dumont, S. (1999). Révélations d'élèves du primaire sur la conduite de l'éducateur physique à leur égard. Actes du Colloque de l'AIESEPS : « Qu'apprennent les enfants en faisant des activités physiques ? », Besançon, IUFM Franche comté, CD-Rom.

Meuret, D. (1999). La justice du système éducatif. Bruxelles : De Boeck.

Olson, J.M. & Zanna, M.P. (1993). Attitudes and attitude change. Annual Review of Psychology, 44, 117-154.

Vigneron, C. (2005). Les écarts de réussite en EPS aux examens entre filles et garçons. In G. Cogérino (dir.), Filles et garçons en EPS (pp. 61-99). Paris : Edition Revue EPS, Collection « Recherche et formation ».

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