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L’apparition progressive de la notion d’égalité des chances dans les politiques scolaires de l’après-guerre, un tardif ajout à des politiques préconstituées

Par adminDernière modification 20/06/2006 00:26

Communication de Sylvie Aebischer pour l'atelier 1 "Mise en perspective historique : l'étude de la manière dont le modèle de l'égalité des chances s'est construit aide-t-elle à expliquer la manière dont il se délite ?"

Sylvie Aebischer
Doctorante en science politique
Laboratoire d'accueil : Triangle – UMR 5202, Lyon
ATER à l'université de Lille 2
sylvie.aebischer@univ-lyon2.fr


Comme le suggère le titre de l'atelier, il peut être utile, pour questionner les ratés de l'égalité des chances aujourd'hui, de pratiquer un certain retour en arrière et d'interroger les conditions dans lesquelles la promotion de l'égalité des chances s'est construite.

Il est toutefois difficile de dater l'introduction de la promotion de l'égalité des chances dans les politiques scolaires, ou sa mise sur agenda, pour employer un vocabulaire de politiste. On fait parfois le lien entre la mise en place de l'école unique et cette problématique égalitaire, c'est par exemple une des lectures que l'on peut faire de l'appel à contribution 1. C'est un postulat que souhaiterait interroger cette proposition d'intervention : il nous semble au contraire que ce n'est qu'à partir de la fin des années 1960 que la notion d'égalité des chances commence à s'immiscer dans les politiques scolaires. Or à ce moment l'unification des filières scolaires est largement entamée (réforme Berthoin -1959, Fouchet-Capelle -1963) ; elle ne peut donc raisonnablement trouver dans la promotion de l'égalité des chances ses fondements.

En comparant le schéma de formation qui est proposé dans la réforme Fontanet (1972-74) ou Haby (1974-75) qui incluent la question de l'égalité des chances dans l'exposé de leurs motifs et celui des réformes précédentes qui ne l'ont pas encore adoptée, on s'aperçoit que le contenu des transformations proposées ne varient guère 2. Peut-être peut-on voir une piste de réponse à l'incapacité des réformes entreprises pour lutter contre les inégalités scolaires : l'introduction de ce nouvel impératif ne conduit pas à une transformation radicale de penser les réponses aux problèmes de l'institution scolaire.

•  Registres de justifications de la politique d'unification des institutions scolaires dans l'après-guerre de Langevin-Wallon à Haby

Si la question de l'égalité des chances a pu être promue et défendue par certains groupes sociaux, elle n'avait pas trouvé jusqu'alors de relais suffisant pour accéder au Ministère de l'Éducation Nationale. Ce n'est en effet qu'à partir de l'année 1959 qu'il est possible d'en retrouver une trace dans les travaux interne du ministère en préparation du VI° Plan (1971-1976). On retrouve ensuite cette question et dans le projet de réforme Fontanet et dans la réforme Haby.

Les précédents projets et/ou réforme de l'enseignement ne posent pas la question dans ces termes : on retrouve en effet un « régime de justification » de la réforme proche dans les réformes Billères (1956), Berthoin (1959) et Fouchet-Capelle (1963), voire, dans une certaine mesure, dans le plan Langevin-Wallon. Si ces réformes préconisent ou amorcent une unification des parcours scolaires, elles le font dans une optique précise, l'adéquation de l'école à la société et à son développement. L'unification des structures scolaires aurait donc répondu à un autre impératif que l'égalité des chances, celui de la reconstruction nationale, celui de l'élévation du niveau d'instruction et de qualification de la population afin de fournir en nombre suffisant. Il s'agit d'empêcher que des aptitudes ne soient inutilement gaspillées ou négligées alors qu'elles pourraient rendre de grands services à la Nation 3.

Le régime de justification de ces réformes diffèrent en partie des réformes et projets postérieurs à 1969, autant dans la prise en compte de la question de l'inégalité des chances que de la façon d'envisager les missions de l'école.

•  Les raisons de l'arrivée de ce nouvel argument dans le registre de justification des politiques éducatives

Nous avons daté de 1969 l'introduction de la question de l'inégalité des chances dans les politiques scolaires en France. Il nous restera à nous interroger sur les circonstances de l'adoption de ce nouveau régime de justification, on peut proposer plusieurs pistes qui se complètent :

•  L'apparition de nouveaux outils statistiques avec la parution des enquêtes de l'INSEE sur la population scolaire

•  Le retentissement de l'enquête de Bourdieu et Passeron sur les étudiants et leurs études, la réception des Héritiers sur la scène intellectuelle et technocratique française

•  Le bouleversement qu'a représenté la crise de mai 1968 et la nécessité d'y réagir qui fait se poser différemment les questions au sein du Ministère

•  L'arrivée à des postes de direction d'une nouvelle équipe au profil sociologique et aux convictions éducatives différentes de leurs prédécesseurs

•  Comparaison des stratégies de réponses

Cette pensée que l'on peut appeler technocratique ou industrielle pour suivre les analyses de Jean-Louis Derouet propose une réorganisation des structures scolaires et la constitution d'une période de tronc commun qui alliée à une orientation raisonnée peut permettre de mieux mettre l'école au service de la Nation.

Les réformes Haby et Fouchet n'envisagent pas la façon de remédier au handicap social des élèves de manière radicalement différente : il s'agit encore de proposer un même parcours à tous, la question du choix de la filière en 6 ème étant jugée comme le pallier le plus discriminant.

Apparaît toutefois la question du renouvellement des pratiques pédagogiques qui doit accompagner l'unification des filières. Toutefois ce pan de la réforme, très présent dans les premières propositions rédigées sous la houlette du Ministre Haby, va progressivement être évincé du cœur de la réforme et il faut attendre la ministère Savary puis la loi Jospin d'orientation sur l'éducation pour que le renouvellement des pratiques pédagogiques soit de nouveau à l'ordre du jour.

*

D'un point de vue empirique, cette proposition se base sur les recherches effectuées dans le cadre d'un doctorat de science politique portant sur la genèse de la création des IUFM et la question de la formation des enseignants de 1945 à 1991. Ce travail historique et sociologique allie un travail sur documents (archives nationales ou privées), le dépouillement de revues syndicales et professionnelles et la collecte d'entretiens avec des personnes impliquées dans les réformes étudiées. Pour cette communication, nous nous baserions principalement sur les versements du Ministère de l'Éducation Nationale disponibles au centre des archives contemporaines de Fontainebleau  (principalement versements 19920211, 19950107,19930271, 19920211, 19770499, 19830100, 19910534, 19820335…) et sur les entretiens que nous avons déjà récoltés ou ceux disponibles au Service d'Histoire de l'Éducation de l'INRP.

1 «  La notion d'égalité des chances, telle que la nous comprenons aujourd'hui, s'est imposée dans le débat public au début du XXe  siècle. Il s'agissait alors d'en finir avec la ségrégation qui réservait, pour l'essentiel, l'accès aux études secondaires et supérieures –et donc aux positions sociales les plus élevées– aux enfants des classes supérieures de la société. Le moyen proposé pour mettre fin à cette injustice, une école unique comprenant un tronc commun plus long que les anciennes études élémentaires, a été mis en œuvre sous la Cinquième République sans que disparaisse l'inégale représentation des différentes catégories sociales dans les écoles et les carrières les plus valorisées. »

2 Nous avons choisi de borner notre propos aux réformes conduites ou proposées entre 1947 et 1975, considérant que la réforme Haby, avec la mise en place du collège unique comme un premier point d'aboutissement de l'effort d'unification des structures scolaires ; c'est du moins la réforme qui ferme la question de « l'école moyenne » ou du « premier cycle » pour reprendre le vocabulaire de l'époque, même si elle ouvre des pistes pour les réformes à venir et que l'ouverture des lycées, l'inscription des 80% d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat et la démocratisation de l'université complètent ce mouvement d'unification.

3« C'est seulement par cet inventaire exhaustif de nos ressources intellectuelles actuellement incomplètement prospectées et trop souvent fourvoyées, que nous mettrons fin à la perte de substance que nous déplorons, et dont souffrent aussi bien les individus que la nation elle-même. Nous ne pouvons plus maintenir une organisation scolaire qui ne nous permet de former qu'un chercheur, un ingénieur, un professeur quand il en faudrait deux, un technicien quand trois seraient nécessaires, tandis qu'à l'inverse, se presse dans nos enseignements supérieurs des lettres, de la philosophie et du droit une foule d'étudiants, à qui nous n'avions pas préparé d'autre issue, et qui doivent maintenant recourir à de tardives et difficiles reconversions, faute de quoi ils se condamneraient, et ce n'est pas sans exemple, à des besognes de fortune et de déboire. » ( Décret n°59-57 du 6 janvier 1959 portant réforme de l'enseignement public dit décret Berthoin, Exposé des motifs, titre V)

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Numéro 21
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