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Une politique de l'évidence : les nouvelles formes de l'administration de la preuve dans la recherche anglo-saxonne

Par adminDernière modification 20/06/2006 00:17

Proposition de Romuald Normand pour la séance plénière "Le travail de la preuve face aux conceptions du juste"

Romuald Normand
UMR Éducation & Politiques,
INRP, université Lumière Lyon 2


Les insuffisances de la recherche en éducation constituent un thème récurrent du débat public. On reproche  aux chercheurs de ne pas apporter de solutions cohérentes et convaincantes aux problèmes du moment. Les travaux scientifiques sont considérés comme trop éloignés des préoccupations des praticiens, incapables de fournir des résultats précis à brève échéance, contradictoires dans leurs conclusions voire tautologiques quand ils ne sont pas jugés inaccessibles. Les scientifiques des différentes disciplines (sociologie, psychologie, histoire, philosophie, etc.) sont accusés de ne pas faire d’efforts suffisants pour diffuser leurs résultats et pour s’engager dans une collaboration étroite avec les enseignants ou les administrateurs. Cette critique est aussi fortement relayée par les experts au sein des grandes organisations internationales.
Cette conception de l’ « evidence-based teaching» ou de l’ « evidence-based research » est déjà fortement présente dans le monde anglo-saxon. Au sein de l’OCDE, le CERI (Centre for Educational Research and Innovation) a marqué son intérêt pour cette méthodologie en organisant une série d’ateliers afin de promouvoir l’ « evidence-based policy » considérée comme le complément indispensable à l’amélioration de l’efficacité de l’enseignement. L’argument principal est que la recherche doit apporter une contribution significative à l’amélioration des pratiques pédagogiques et à la prise de décision dans l’éducation. Le but est de financer et promouvoir des études répondant à la question « Qu’est-ce qui marche ? » (What works ?), c’est-à-dire des travaux ayant une réelle utilité sociale ou économique. Selon les défenseurs de l’« evidence-based policy », les praticiens doivent être incités à une meilleure prise en compte de résultats « neutres » et « précis » dispensés par la recherche dans leur formation et leur activité professionnelle. C’est pourquoi le recensement systématique d’une masse importante de données, présentant toutes les garanties de « rigueur » et d’ «objectivité », doit conduire à l’élaboration et à la diffusion de « bonnes pratiques ».
Grâce aux développements de l’informatique qui démultiplient les capacités de traitement et d’exploitation des données, trois grandes procédures sont mises en oeuvre. En premier lieu, des revues systématiques de la littérature de recherche qui visent à identifier et accumuler des données sur un thème ou une question de conjoncture, en évaluant la qualité des méthodologies utilisées et la consistance des travaux. En second lieu, des techniques de méta-analyse servent à agréger des données à partir d’études quantitatives comparables et déjà réalisées, avant d’opérer des traitements statistiques plus approfondis sur des groupes sélectionnés selon des postulats ou des hypothèses précises. Enfin, une troisième technique concerne la méthode des « essais contrôlés randomisés », considérée parfois comme la « règle d’or » de l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques, qui s’applique dans des domaines aussi variés que la médecine, le social, l’emploi, ou l’éducation.
Au cours des années 90, la question de la qualité de la recherche en éducation a fait l’objet de beaucoup de débats et de controverses dans le monde universitaire et politique britannique. Le British Educational Research Journal s’est fait l’écho des arguments avancés de part et d’autre autour de thèmes ayant profondément divisé les chercheurs de l’Association pour la Recherche en Éducation Britannique. Le gouvernement anglais a pris des initiatives afin que les travaux de recherche soient en mesure d’identifier les pratiques les plus efficaces permettant d’élever les standards du système éducatif. Il a cherché à promouvoir des « centres d’excellence », en octroyant un financement particulier aux institutions engagées dans certains domaines de recherche, en soutenant la production de revues systématiques et d’essais contrôlés randomisés afin de mieux  répondre à de nouveaux objectifs stratégiques. Des arguments ont été avancés comme quoi la recherche en éducation n’était pas assez cumulative, qu’elle ne contribuait pas assez à l’amélioration des pratiques pédagogiques, et qu’elle devait se rapprocher des méthodes en vigueur dans le monde médical.  
Mais le postulat selon lequel la recherche devrait indiquer aux praticiens la meilleure technique pour résoudre tel ou tel type de problème, a été critiqué, surtout quand elle prend la médecine comme modèle de référence. Beaucoup de chercheurs anglo-saxons, comme Hammersley, qualifie de « modèle des Lumières » la façon dont la recherche en éducation appréhendait jusqu’à aujourd’hui la pratique en produisant des connaissances et des idées susceptibles d’influencer le travail des praticiens et des décideurs politiques.  Ce modèle est aujourd’hui mis en concurrence avec le « modèle de l’Ingénieur » où la recherche est perçue comme un apport de solutions techniques immédiatement applicables à l’image des sciences de la nature. Ce « modèle de l’ingénieur » porte en lui une idéologie de la technique, une extension de la conception des sciences de la nature au monde social, qui domine aujourd’hui les sociétés contemporaines. Comme l’écrit Ulrich Beck, sur un fonds de désenchantement de la prétention rationnelle des Lumières à la vérité, s’opère une transformation radicale des relations qu’entretient le travail scientifique à l’intérieur et à l’extérieur de son domaine propre. La modernisation conduit paradoxalement à une scientificisation de la science, celle-ci étant en proie au scepticisme et soumise à la critique, alors que la définition de la vérité se doit d’être socialement et politiquement acceptable, au nom de nouveaux principes de justice.

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