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Les écoles techniques et la promotion scolaire, sociale et professionnelle. (fin 19e–années 1930)

Par adminDernière modification 19/06/2006 23:56

Communication de Marianne Thivend pour l'atelier 1 "Mise en perspective historique : l'étude de la manière dont le modèle de l'égalité des chances s'est construit aide-t-elle à expliquer la manière dont il se délite ?"

Marianne Thivend
Maîtresse de conférences en histoire contemporaine, Lyon
marianne.thivend@ish-lyon.cnrs.fr



Le rôle joué par les filières post-primaires (EPS, EPCI, écoles techniques) dans le processus séculaire de démocratisation scolaire est indéniable. Aux côtés d'une filière secondaire en crise de recrutement, se développe à la fin du XIXe siècle, une offre de formation post-primaire très diversifiée, qui dispute aux lycées les strates inférieures des classes moyennes. Une quantité croissante de jeunes gens et de jeunes filles font ainsi l'expérience d'une scolarité prolongée au delà de 13 ans et hors du lycée, dans les EPS, EPCI, ENP, écoles de métiers et écoles techniques privées. A la fin des années 1920, 172 000 jeunes sont ainsi scolarisés dans les EPS, 40 000 dans le “ technique ” quand ils sont 291 000 dans la filière secondaire “ classique ”. Si l'on connaît mieux aujourd'hui les EPS et leurs relations avec les lycées, il en va différemment pour les “ écoles techniques ”, dont l'histoire s'élabore surtout depuis quelques années autour de ses liens avec le monde de la production et beaucoup moins avec l'enseignement secondaire. Nous aimerions ici discuter de la contribution de cette filière technique et professionnelle au processus de démocratisation de l'enseignement, processus qui ne peut être cantonné à la seule unification entre l'ordre du primaire et du secondaire, tel que cela apparaît dans le débat sur l'école unique au début du XXe siècle. Ce dernier pose comme une évidence la préférence des familles pour le secondaire “ classique ” comme seul outil de promotion sociale alors que les faits montrent pourtant le contraire, à savoir la progression toujours forte des effectifs du technique dès la fin du XIXe siècle et la stagnation de ceux du secondaire. Dans quelle mesure cette filière technique et professionnelle a ainsi pu, au même titre que le secondaire classique mais selon des modalités différentes, ouvrir à un nombre croissant de jeunes garçons et de jeunes filles les voies de la promotion scolaire, sociale et professionnelle ? Nous attacherons une attention forte aux filières techniques féminines dans ce processus de démocratisation, à une époque où les jeunes filles ne disposent justement pas d'un enseignement secondaire équivalent à celui des jeunes garçons tant en terme de contenu que de débouché.

C'est à l'échelle locale, et plus particulièrement à l'échelle de la grande ville, que nous examinerons la diversité de l'offre de formation technique (spécialités, niveaux, modalités de recrutement, parcours et débouchés possibles). L'exemple lyonnais est pris à témoin dans la mesure où cette grande métropole industrielle et commerciale concentre dès la fin du XIXe siècle de nombreuses formations techniques capables de rivaliser avec les formations secondaires classiques. A tous les enfants sortant de l'école primaire, quelle que soit leur origine sociale et en fonction de leur mérite, correspond en théorie une formation.

Cette offre de formation est fortement hiérarchisée. Au sommet, les écoles techniques du type de la Martinière (future ENP) ou de l'École de la Salle forment les cadres intermédiaires de l'industrie et du commerce. Des écoles d'élite donc, qui recrutent sur les franges supérieures des classes populaires et inférieures des classes moyennes. La sélection que ces écoles opèrent est redoutable, tant à l'entrée avec des concours d'entrée difficiles, fondés sur la culture primaire, qui justifient souvent la création de classes préparatoires, qu'en cours de cursus. Reste à savoir comment l'institution oriente les élèves entre les différentes filières de formation, de l'industrie ou du commerce. En fonction des goûts des élèves, de leur aptitude, de leur milieu socioprofessionnel d'origine, de l'importance ou non des débouchés propres à la filière ?

Les promoteurs de cet enseignement technique d'élite défendent l'idée d'une culture technique émancipatrice, à hisser au même niveau que la culture secondaire classique. Ce point de vue est défendu autant par les milieux laïcs que catholiques. Ainsi, l'abbé la Mâche, fondateur en 1921 de École d'apprentissage supérieur, “ comprend que former un apprenti, l'ouvrier de demain, ce n'est pas seulement exercer ses mains au maniement des outils, c'est aussi élever son caractère, cultiver son esprit, pénétrer son âme de principes moraux et sociaux, en un mot, c'est accomplir une œuvre d'éducation au premier chef ”. En valorisant cette culture technique, méprisée par les tenants de la culture classique dominante, le projet émancipateur devient crédible. Pour le même la Mâche, l'école qu'il fonde “ apportera une nouvelle forme de culture trop méconnue – on croyait que le classicisme était seul porteur de la véritable culture – une culture par le travail manuel, celle qui est issue de la réflexion devant les connaissances acquises pour mener à bien l'exécution de son travail ”. Les formations alors proposées mettent toutes l'accent sur l'importance de l' enseignement général, socle incontournable de la culture technique, insuffisamment développé à l'école primaire. Ainsi à la Martinière comme à École de la Salle, l'enseignement professionnel ne prend vraiment sa place qu'en 3 e année, après deux années de tronc commun où les élèves consacrent largement plus de la moitié de leurs 35 heures hebdomadaires à faire des mathématiques, du français, de la physique chimie et des langues. Les programmes et la répartition entre le général et le technique et professionnel invitent alors à s'interroger, pour la formation des cadres intermédiaires, sur la réalité de l'opposition entre culture générale et culture technique.

Ces filières techniques d'élite ont pu offrir de réelles possibilités de promotion sociale à leurs élèves. Elles établissent des passerelles vers l'enseignement technique supérieur. Un diplômé de fin d'études de la Martinière, de la École de la Salle ou de École des métiers des industries textiles vaut bien un bachelier dès qu'il s'agit d'intégrer les grandes écoles techniques telles École centrale, École Supérieure de commerce, École de chimie industrielle et École française de tannerie. Ces écoles mêlent en effet des jeunes issus du lycée et des jeunes issus du technique. Cependant, il faut prendre soin ici de distinguer filières masculines et féminines, les passerelles vers le supérieur étant moins fréquentes pour les filles puisque la plupart des formations supérieures leur sont fermées. Pour toutes et tous cependant, le diplôme maison obtenu ouvre l'horizon des possibles professionnels. S'il s'avère impossible de tracer des parcours de mobilité sociale (nos sources ne nous permettent pas de relier origine sociale et métier exercé à la sortie de l'école), les débouchés offerts par les écoles sont en revanche connus, notamment grâce aux les associations d'anciens élèves qui se chargent d'en faire la publicité. Ainsi dans les années 1930, sur 100 élèves de l'école la Mâche ayant suivi le cycle complet des études et ayant effectué leur service militaire, 30 sont devenus chefs d'industrie, artisans et petits patrons (dont 10 qui ont repris l'entreprise familiale et 20 qui ont fondé leur propre entreprise), 23 sont chefs d'atelier, contremaîtres, chefs de service… École de Tissage forme quant à elle quantité de fabricants et de chefs de service… Les promotions paraissent en revanche moins fréquentes pour les jeunes filles, les postes qui leur sont offerts n'étant pas toujours à la hauteur de la formation reçue.

L'offre de formation technique ne se réduit pas à ces écoles d'élite et il conviendra d'examiner d'autres types de parcours scolaires réalisés au sein des écoles professionnelles dont l'objectif est de former des praticiens directement utiles au monde du travail, des tourneurs sur métaux aux sténodactylographes. De même, nous accorderons une attention privilégiée sur ces autres lieux où les inégalités sociales peuvent se rejouer à l'âge adulte. Ainsi, la Société d'enseignement professionnel du Rhône (SEPR) offre dès 1864 des cours de français et de mathématique pour celles et ceux qui n'ont pas suivi de formation primaire. Au fur et à mesure de l'extension de la scolarisation primaire, les cours deviennent plus techniques et apportent aux adultes des éléments de formation, autant de moyens de reconversion professionnelle (cas des ouvrières qui prennent des cours de sténodactylographie) ou d'élévation dans la hiérarchie professionnelle pour celles et ceux qui n'ont pas pu poursuivre de scolarité technique ou professionnelle au delà du primaire.

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