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Perceptions intersubjectives des discriminations ethniques dans l'espace scolaire belge

Par adminDernière modification 19/06/2006 23:49

Communication de Johanna de Villers pour l'atelier 3 "Ségrégation, ethnicité et nouveaux modèles et régimes de justice et d'égalité en éducation"

Johanna de Villers
Université Libre de Bruxelles
jodevill@ulb.ac.be


Il semble acquis que le système éducatif est producteur d'inégalités, de ségrégation et d'exclusion à l'égard de ceux que l'on qualifie de « minorités visibles ». Dans cette production sociale d'inégalités, il y a la rencontre entre des logiques institutionnelles et les stratégies des acteurs basées sur leur perception de l'institution scolaire. C'est surtout ce deuxième aspect que cette communication propose de traiter.

En partant du contexte belge (communauté française), je propose d'aborder le vécu de l'espace scolaire des descendants d'immigrés marocains en analysant deux points : premièrement, la perception d'une différence entre monde scolaire et monde familial et les conséquences que cela peut avoir sur l'insertion scolaire ; deuxièmement, la perception d'un traitement différencié en fonction de caractéristiques ethniques (nationalité, religion, nom, faciès, etc.).

Pour ce faire, je partirai d'une description plus macrosociologique de l'espace scolaire belge afin de donner des éléments structurels de compréhension d'une situation sur certains points comparable au contexte franco-français, mais bien différente sur d'autres aspects. Cette communication s'articulera donc en deux parties :

•  Une partie macrosociologique : un bref état de la recherche en Belgique francophone et un aperçu des politiques publiques (Communauté française de Belgique).

•  Une partie microsociologique : le vécu intersubjectif des discriminations et de l'ethnicisation de l'espace scolaire.

1. Quelques dimensions macrociologiques du contexte belge

En guise d'introduction et de contextualisation de mon objet d'étude, je présenterai un bref état des recherches en Belgique, et particulièrement en Belgique francophone, sur les « inégalités scolaires » et la thématique école-enfants de l'immigration.

Je commencerai par discuter de la pertinence des statistiques « ethniques » en matière de discrimination en montrant qu'en Belgique, tant au niveau de la recherche que des politiques publiques, on observe deux mouvements distincts entre la partie francophone et la partie néerlandophone de la Belgique. Grosso modo, du côté néerlandophone on produit des statistiques « ethniques » (avec pour corollaire des politiques publiques orientées vers les « minorités ethno-culturelles », « ethnische-culturele minderheden »), tandis que du côté francophone on produit des statistiques où seule la nationalité actuelle est référée 1 (avec pour corollaire des politiques publiques orientées vers les publics scolaires défavorisés plutôt définis en termes de caractéristiques socio-économiques ou géographiques, le « quartier »).

Pour cette raison et pour d'autres encore, les recherches sur les discriminations ethniques dans l'espace scolaire en Belgique francophone sont très peu nombreuses. Cela dit, celles qui existent convergent toutes vers ces deux constats majeurs :

•  Le retard scolaire (mesuré en termes de redoublement, d'abandon et de non-insertion dans les filières d'enseignement supérieur) des élèves « étrangers » est supérieur à celui des « Belges ».

•  Les élèves « étrangers » ou nés de parents étrangers sont sur-représentés dans les filières de l'enseignement secondaire technique et professionnel, ainsi que dans l'enseignement spécial.

2. Une approche microsociologique des discriminations dans l'espace scolaire bruxellois

Il s'agira ici d'aborder la perception subjective de l'espace scolaire et, par là aussi, des discriminations sur base « ethnique ».

Pour ce faire, je partirai des résultats d'une étude que j'ai menée dans le cadre de ma thèse de doctorat en sociologie 2. En partant de l'étude de la construction identitaire, j'ai recueilli vingt-deux entretiens biographiques auprès de descendants d'immigrés marocains résidant à Bruxelles. Dans les thématiques abordées, il y avait bien entendu la question de l'école et de leur vécu de l'espace scolaire. Si l'identité est le résultat (multiple et provisoire) des processus de socialisation, il est incontournable en cette matière de traiter de la scolarité. Parmi toute une série de thématiques, je les interrogeais sur leurs parcours « objectifs » au sein des institutions scolaires afin de résumer leurs trajectoires en termes de réussite ou d'échec, de filières d'enseignement fréquentées et de niveaux de certification. Je les amenais également à parler de leur vécu intersubjectif de l'espace scolaire en traitant essentiellement de deux aspects. Le premier concernait le vécu d'un hiatus entre éducation familiale et scolarisation. La question que je me posais en définissant cet indicateur était la suivante : comment s'identifier à des normes scolaires qui invalident les normes parentales ? Le second aspect concernait la perception de l'ambivalence de la scolarisation. Je partais ici de l'idée selon laquelle la « mission » de l'école était de favoriser l'« assimilation » des enfants d'immigrés aux normes dominantes. Or, conjointement à ce processus d'assimilation (je dirais presque de fabrication), les enfants d'immigrés (de ceux qui sont les plus stigmatisés comme le sont les immigrés marocains en Belgique) pouvaient se heurter au racisme, à la stigmatisation ethnique (GOFFMAN) et à certaines formes de discriminations : discriminations scolaires (via les procédures de réorientation), puis discriminations professionnelles. Et c'est là que se situerait toute l'ambivalence de la socialisation scolaire, entre son pouvoir de normalisation et ses effets de fabrication de l'altérité. La question que je me posais en définissant ce deuxième indicateur était : Comment s'identifier à un système scolaire qui nous exclut de fait ?

A ce point de la communication, je proposerai de présenter quelques résultats du traitement analytique de mes entretiens biographiques relatifs à ces deux indicateurs. Dans un premier point, je tenterai de montrer en quoi les familles immigrées marocaines et l'institution scolaire se séparent au niveau de certaines valeurs (religieuses, sexuées, …) mais peuvent aussi se rencontrer au niveau du projet (celui de la réussite scolaire). Dans un second point, je montrerai que le vécu d'expériences discriminantes dans l'espace scolaire est très variable. Il y a ceux qui retiennent une expérience non discriminante de leur scolarité – même si tous rendent compte de cas de discrimination dans leur entourage – et les autres qui ont fait l'expérience personnelle de discriminations ou de racisme, c'est en tout cas en ces termes qu'ils rendent significatives leurs mésaventures scolaires. Dans ces cas là, l'ambivalence de la scolarisation ressort plus clairement, en particulier pour ceux qui avaient un rapport positif à l'apprentissage scolaire et qui ont désiré poursuivre leurs études. Ces derniers ont été confrontés à un double bind caractéristique tel que défini par BATESON, cette suspicion à priori d'être moins capables que les autres élèves parce que de telle origine sociale et nationale. Et la diversité des filières scolaires, les procédures d'orientation et les systèmes internes d'évaluation sont autant de lieux où ce double bind peut s'exercer.

1 A de très rares exceptions près.

2 DE VILLERS Johanna, Analyse des processus différentiels d'identification et des stratégies identitaires à l'œuvre chez les descendants d'immigrés marocains en Belgique , Thèse de doctorat, ULB, 2005.

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