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La reconnaissance de la diversité linguistique dans l’enseignement belge francophone : valorisation ou figement identitaire pour les communautés immigrées

von adminZuletzt verändert: 19.06.2006 23:43

Communication de Jean-Louis Siroux pour l'atelier 3 "Ségrégation, ethnicité et nouveaux modèles et régimes de justice et d'égalité en éducation"

Jean-Louis SIROUX
Unité d'anthropologie et de sociologie
Département des sciences politiques et sociales
Université catholique de Louvain
siroux@anso.ucl.ac.be

Philippe HAMBYE
Centre de recherche VALIBEL
Département d'études romanes
Université catholique de Louvain
hambye@rom.ucl.ac.be

Résumé du projet de communication

Donner au plus grand nombre la possibilité de maîtriser la langue dominante d'une société donnée passe souvent pour un moyen efficace de rendre les conditions sociales et économiques des individus moins inégales. Ainsi, l'apprentissage de la langue dominante par les minorités linguistiques d'un pays peut être considéré comme un moyen de leur accorder de meilleures chances d'insertion socio-économique.

S'ils admettent pour la plupart ce raisonnement, les chercheurs en éducation – qu'ils soient sociologues, (socio)linguistes, didacticiens – sont souvent pris dans un dilemme lorsqu'ils sont amenés à définir des politiques linguistiques adressées aux groupes linguistiques minoritaires. En première approximation, on peut dire que ce dilemme se noue autour de l'opposition entre, d'une part, l'apprentissage de la langue majoritaire ou dominante par les minorités, et d'autre part, l'enseignement des langues minoritaires vu comme un moyen pour améliorer l'image de soi des élèves issus de groupes minoritaires.

Certes, les deux termes de cette opposition ne sont pas foncièrement incompatibles, dans la mesure où l'on peut envisager des formes d'enseignement bilingue. Cela dit, ceux-ci reflètent le plus souvent, au niveau du système éducatif, la hiérarchisation qui existe au niveau de la société dans son ensemble et qui accorde une préséance à la langue dominante. Cela laisse donc la place à des débats au sujet des priorités à établir entre ces deux objectifs éducatifs (enseignement de la langue dominante vs des langues minoritaires) qui ne peuvent manquer d'entrer en concurrence.

En Belgique, le dilemme évoqué intervient de façon particulièrement saillante dans les politiques linguistiques adressées aux communautés immigrées, ainsi que dans les recherches scientifiques qui évaluent et inspirent ces politiques. Il est intéressant à cet égard de contraster les logiques respectives de la Communauté flamande et de la Communauté française de Belgique, qui tantôt mettent l'accent sur des mesures de discrimination positive, tantôt privilégient une vision universaliste peu compatible avec la prise en compte des spécificités linguistiques.

Dans ces débats, qui se situent au niveau analytique, l'enjeu est d'affirmer ou de contester l'importance de l'apprentissage de certaines langues, en tant que ressources collectives. Or, comme nous le montrerons plus loin, les langues ne sont considérées comme telles que si une valeur sociale, leur est attribuée. Ainsi, l'accent qui est mis dans certains travaux sur l'importance des langues “communautaires” pour les minorités, présuppose que leur langue constitue une valeur centrale aux yeux des membres des groupes minoritaires.

Nous nous interrogeons dans cette communication sur les processus sociaux qui conduisent à associer à la langue une haute valeur sociale. Ce faisant, nous tentons de répondre de façon critique aux questions suivantes : la valeur de la langue dominante est-elle un fait objectif ou s'agit-il d'un présupposé idéologique qu'il s'agit de contester ? La valeur d'une langue est-elle irrémédiablement un attribut central de l'identité individuelle ou collective ? Et plus particulièrement, constitue-elle toujours une valeur centrale pour tous les groupes minoritaire et pour tous leurs membres ? Dans le cas contraire, dans quelles conditions le devient-elle ?

Partant du principe selon lequel l'attribution de valeur résulte d'un processus social et relationnel, nous essayons de montrer que la valeur des langues n'est ni une caractéristique intrinsèque ou objective, ni le résultat d'une attribution purement subjective, mais bien le fruit d'un rapport social. Plus précisément, nous pensons que ce processus s'inscrit au cœur des rapports de domination qui traversent la société et marquent ainsi les relations entre groupes linguistiques majoritaires et minoritaires. Dans ce sens, il est loin d'être évident que la valorisation des langues minoritaires puisse constituer en tant que telle un moyen de lutter contre ces rapports de domination.

Afin de défendre cette thèse, il nous parait important, dans un premier temps, de situer l'argument portant sur la valeur des langues minoritaires à l'intérieur du débat sur les politiques linguistiques en faveur des minorités dans la sphère éducative. Il s'agit en effet de s'interroger sur le lien qui unit attribution de valeur sociale et attribution du statut de ressource collective. Une telle démarche nous conduit à une interrogation centrale dans le fil de notre réflexion : pour quelles raisons la valeur que certains groupes attribuent à leur langue engage-t-elle la responsabilité collective de la promotion de cette langue et partant la responsabilité de l'État ? D'autre part, attribuer, à priori, une valeur identitaire aux langues minoritaires, revient également à octroyer une signification bien particulière à la notion d'identité (linguistique). Nous tenterons dès lors, dans un second temps, de distinguer les principaux enjeux que recouvre ce concept. Enfin, nous proposerons une analyse sociologique critique des processus qui aboutissent à conférer une valeur particulière aux langues et, par là, à leurs usagers.

Cette communication se base sur un travail de recherche interdisciplinaire portant sur l'hétérogénéité linguistique en contexte scolaire multiculturel et ayant pour terrain des écoles de Belgique francophone. Le raisonnement qui sera présenté se fonde sur notre analyse du système éducatif belge, des débats autour de la place des langues de l'immigration et d'entretiens avec des élèves recueillis lors d'une enquête de type ethnographique.

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