Le processus de l’orientation scolaire en Communauté française de Belgique : l’injustice de la responsabilisation
Communication de Géraldine André pour l'atelier 2 "Les politiques d'orientation à l'épreuve des inégalités"
Géraldine André
Chercheuse-doctorande, Groupe de recherche sociologie action sens (GReSAS)
Facultés universitaires catholiques de Mons
geraldine.andre@fucam.ac.be
La contribution proposée s'inscrit dans la thématique du deuxième atelier « Les politiques d'orientation à l'épreuve des inégalités ». Elle repose sur les premiers résultats d'une recherche entamée en 2005 dont une des finalités est la mise en perspective sociopolitique des dispositifs d'orientation dans l'enseignement secondaire en Communauté française de Belgique.
Pensée dans les années soixante et mise en place au cours de la décennie suivante dans une volonté politique de démocratisation et d'égalité des chances, la structure actuelle de l'enseignement secondaire en Communauté française de Belgique connaît un premier cycle dit « commun » dont une des fonctions explicites est de retarder l'orientation vers les filières technique et professionnelle. L'accès à ces filières se fait normalement au début du deuxième, voire du troisième cycle. Cette structuration les dévalorise : elles font figure de voies de relégation dans lesquelles l'élève ne se retrouve qu'après avoir fait la preuve de son incapacité à se maintenir dans l'enseignement général. Les effets négatifs de cette organisation ont été maintes fois soulignés : ce sont les jeunes des familles les plus défavorisées ou fragiles qui acceptent de passer du général au professionnel. Une des hypothèses développée dans cette communication est que l'orientation vers ces formes d'enseignement vise au moins autant à préserver et à protéger la filière générale qu'à proposer un projet de vie professionnelle aux jeunes connaissant des difficultés scolaires.
Les élèves orientés vers l'enseignement technique et professionnel sont conduits à structurer leur identité à partir de l'image négative qui y est associée. Le sentiment de relégation y est d'autant plus développé qu'elles se caractérisent aussi par une forte homogénéité sociale, notamment en raison des parcours d'exclusion qui y convergent. Si des données quantitatives sont disponibles sur la circulation des flux de population à l'intérieur de l'enseignement secondaire, sur le passage du général aux filières dévalorisées, peu d'études qualitatives ont été consacrées au sens que ce changement de filière revêt pour les élèves, à la manière dont il est vécu, à l'influence de ce vécu sur la suite de leur trajectoire scolaire et de leur intégration dans un marché du travail qui leur est par ailleurs peu favorable.
Nous avons tenté de mener une telle recherche en croisant ethnographie et sociologie compréhensive, en nous centrant sur le vécu, les représentations et les pratiques des élèves dans trois établissements scolaires de Charleroi. Dans cette communication, nous montrerons comment le processus d'orientation tel qu'il fonctionne actuellement est traversé par une logique qui vise à responsabiliser l'élève à l'égard de son propre parcours scolaire et, d'une certaine manière, à l'avenir socioprofessionnel qui en découle.
L'objectif de cette communication est donc d'interroger les logiques ambivalentes de responsabilisation qui sous-tendent le phénomène de l'orientation. Á partir d'une analyse comparative de quelques parcours scolaires, nous porterons un regard critique sur le projet de réforme de l'enseignement technique et professionnel et plus spécifiquement sur le processus d'orientation qu'il implique, articulé autour d'un prétendu « choix positif propre à l'élève ».