Le métier d'élève en situation de handicap ?
Communication de Cornelia Schneider pour l'atelier 9 "Quels rapports entre une sociologie de l'enfance et une sociologie des inégalités ?"
Cornelia Schneider
ATER – CERLIS – Université Paris 5
corneliaschneider@free.fr
L'intégration scolaire des enfants en situation de handicap suscite une réflexion sur ce que le métier d'élève veut dire pour ces enfants-là. Par l'intégration dans une classe, ils accèdent à une scolarité « normale » qui, dès le départ, ne peut pas être « normale », car l'intégration exige de tous les acteurs des pratiques, des réflexions et des représentations qui sortent du cadre de la scolarité telle qu'on la conçoit communément aujourd'hui.
Le fonctionnement qui se construit autour de l'intégration individuelle d'un enfant en situation de handicap (comme l'intégration à temps partiel, des intervenants thérapeutiques, ou des problèmes d'accessibilité) semble être loin d'une construction du métier d'élève telle qu'on peut la concevoir de manière courante : « La scolarité étant l'occupation principale de l'enfance, on peut donc, estime-t-il, utiliser ce terme de métier d'élève en l'articulant aux notions de curriculum caché et de curriculum réel, car il s'agit pour l'enfant de ‘devenir l'indigène de l'institution scolaire' en acquérant la compétence du membre de la tribu. » (Sirota 1998, p. 18). Est-ce le cas pour des enfants en situation de handicap ? Est-ce qu'il est dans la mesure d'acquérir cette compétence, est-ce qu'on le laisse l'acquérir ? Comment s'articule le métier d'élève et le métier d'enfant pour un enfant dont la vie quotidienne se compose d'une multitude d'activités qui sortent du cadre d'une scolarité et d'une vie d'enfant ordinaires ?
Dans une étude publié en Grande-Bretagne (Watson et al., 1999), les auteurs ont constaté que les enfants en situation de handicap se plaignaient de la trop grande présence d'adultes-experts autour d'eux, ce qui les empêchait de construire des relations avec leurs pairs. Cette présence continue de personnel spécialisé qui a pour but de soutenir l'enfant en situation de handicap, devient un poids pour celui-ci.
Dans ma communication, je présenterai le cas de Sébastien, un élève en situation de handicap intégré dans une école ordinaire depuis quelques mois. J'ai pu suivre l'évolution de son statut au sein de la classe au cours d'une année scolaire à travers des questionnaires sociométriques et des entretiens avec lui, avec quelques camarades de classe et avec l'enseignante. On observe que, malgré une intégration jugée positive par les enseignants, Sébastien porte un regard différent sur sa situation. Les moyens qui ont été mis en place pour sa progression (la prise en charge thérapeutique, son inscription dans cette école, l'utilisation d'un ordinateur portable) deviennent des poids qui empêchent Sébastien de construire le métier d'élève tel qu'il le souhaiterait. Il est remarquable d'observer que l'utilisation de l'ordinateur portable devient pour lui une marque de stigmate (Goffman) qu'il essaie de dissimuler afin de ne pas être « discrédité » par ses camarades.
Ces observations font interroger s'il existe un métier d'élève ou d'enfant en situation de handicap qui se construit différemment avec les contraintes supplémentaires que ces enfants subissent. A partir du cas de Sébastien, on pourra se demander si ce « métier » comprend également des techniques de dissimulation de stigmates pour pouvoir devenir un « membre de la tribu ».