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La Mission Générale d’Insertion de l’Éducation nationale : des publics hétérogènes, une mission d’insertion ?

Par adminDernière modification 19/06/2006 23:12

Communication de Christophe Michaut pour l'atelier 5 "Diversification, gestion sociale des inégalités et lutte contre l'exclusion"

Christophe Michaut
Maître de conférences, Université de Nantes
Centre de recherche en éducation de Nantes (CREN)
christophe.michaut@univ-nantes.fr

Pierre-Yves Bernard
Professeur agrégé en sciences sociales
pierre-yves.bernard@univ-nantes.fr

Décrocheurs, élèves en rupture, déscolarisés, absentéistes, déqualifiés, constituent unensemble aux contours flous. Comment le système scolaire traite-t-il cet ensemble ? Le Ministère de l'Education Nationale l'aborde dans les termes de l'insertion. Depuis la création en 1984 du Dispositif d'insertion des jeunes de l'Education Nationale (DIJEN), le ministère inscrit explicitement dans son action une mission d'insertion. Celle-ci est définie au niveau académique, au sein d'un service rectoral, la MGI (Mission Générale d'Insertion).

Concrètement, il s'agit d'un ensemble de mesures s'adressant à des jeunes de 16 ans et plus, identifiés comme susceptibles de connaître des difficultés d'insertion. Il s'agit ici d'évaluer la politique de ce dispositif à travers l'examen des publics accueillis dans les différentes mesures. On s'interrogera ici sur le profil de ces jeunes : quelles caractéristiques les signalent auprès de la MGI ? De quel milieu social proviennent-ils ? Quels ont été leurs parcours scolaires ? L'objectif de cette communication est d'évaluer comment la MGI identifie et « catégorise » cette population.

Deux approches permettent de repérer le public concerné : celle qui consiste à appréhender le niveau des qualifications des jeunes d'une part, et celle qui relève de la prévention du « décrochage scolaire » d'autre part. Mais chacune de ces approches est problématique.

A partir de quel moment et sur quels critères peut-on considérer que des élèves sont « non qualifiés » ? L'attention des pouvoirs publics s'est portée surtout sur les jeunes sans qualification au sens de la nomenclature française (niveaux VI et Vbis 1, représentant actuellement 7% des sortants de formation initiale) alors que la nomenclature proposée par l'UNESCO (CITE97) s'appuie sur les diplômes obtenus. Ce sont alors 18% des élèves français qui sortent avec au maximum le diplôme national du brevet. Les bénéficiaires de mesures MGI sont des élèves qui ne sont plus dans le cadre de l'obligation scolaire, et qui peuvent donc, en principe, se présenter sur le marché du travail. Ils sont donc potentiellement des sortants du système éducatif. On trouve dans le public de la MGI des élèves qui correspondent à ces deux définitions, notamment les élèves de troisième sans solution d'orientation. L'action de la MGI consiste alors à trouver une solution qui passe, soit par une poursuite de scolarité, soit par une formation en alternance. Mais cette cible habituelle de l'action d'insertion ne représente pas l'ensemble du public MGI. Une partie de celui-ci, est « qualifié » parce qu'ayant eu accès à un niveau de formation, mais malgré tout sortant du système éducatif sans véritable certification de ce niveau (par exemple en 2e année de BEP, sans le BEP). Ce qui pose le problème de la délimitation du champ d'intervention de la MGI.

Une autre manière d'appréhender le public MGI est le « décrochage scolaire ». Le thème du décrochage a surtout été abordé en France au niveau du collège, pour les élèves qui relèvent encore de l'obligation scolaire 2. Il a cependant tendance à être de plus en plus employé pour les élèves de lycée quand ceux-ci manifestent des comportements d'absentéisme ou d'abandon en cours d'année ou en cours de cycle. Tous les bénéficiaires de la MGI ne relèvent pas de ce stéréotype du décrocheur. C'est particulièrement net pour les élèves à qui l'on proposera prioritairement des actions de qualification (par exemple, élève en fin de terminale sans le bac). Symétriquement à ce qu'on a montré sur les non qualifiés, cette hétérogénéité interroge aussi sur la catégorie des « décrocheurs ». La catégorie est fortement connotée en termes de rapport à l'école 3, sous un angle psychologique ou socioculturel. Le décrochage est alors décrit et analysé comme éloignement aux normes scolaires, ce qui autorise à le voir comme un processus et à éventuellement parler de décrochage sans que l'élève ait quitté physiquement l'école (décrochage de l'intérieur 4). Toutefois l'étude du public MGI suggère que les élèves qui interrompent leur scolarité ne sont pas systématiquement éloignés de la norme scolaire. Ils ont cependant en commun une scolarité« inachevée » 5. C'est ce risque d'inachèvement que traitent les différentes mesures de la MGI et qui pose de nouveau la question des limites de son champ d'intervention.

Une recherche sur le devenir des sortants de la MGI de l'académie de Nantes permet de donner un certain nombre d'indications sur le public de ces mesures. Cette enquête s'intéresse aux caractéristiques socio-démographiques des sortants, à leur « vécu » du dispositif, à leur certification et retrace leur parcours quelques années après leur sortie. On présentera dans le cadre de cette communication les résultats de cette recherche se rapportant aux profils des bénéficiaires. L'enquête porte sur trois cohortes de jeunes passés par la MGI en 2001-2002, 2002-2003 et 2003-2004. Au total, ce sont 1501 personnes interrogées par voie téléphonique qui ont répondu à un questionnaire.

Les principaux résultats révèlent une forte polarité opposant deux catégories de bénéficiaires. Cette polarité renvoie en partie à la diversité des mesures et des objectifs de la MGI. D'un côté, celle-ci accueille des jeunes issus majoritairement de milieux populaires, avec un niveau faible de formation, et un passé scolaire marqué par des difficultés précoces. La mesure type est ici le CIPPA 6, et l'action d'insertion vise à « trouver une solution » pour les bénéficiaires.

De l'autre coté la MGI accueille aussi une population nettement moins stigmatisée sur le plan scolaire, plutôt issue des classes moyennes, et en risque de sortie sans diplôme du système éducatif suite à un ou plusieurs échecs aux examens de fin de cycle secondaire. La mesure type est alors le MOREA IV 7, et l'action vise à l'obtention d'un diplôme de l'éducationnationale. Les deux mesures citées représentent 40 % de l'échantillon interrogé dans le cadre de cette enquête. Les 60% restant relèvent d'une grande diversité de mesures (ou de non mesures pour ceux qui n'ont eu qu'un contact éphémère avec la MGI). Finalement, la population apparaît nettement moins marquée socialement et scolairement qu'on pourrait l'imaginer a priori.

1 Sortants d'une classe de premier cycle du secondaire ou avant la dernière année d'un CAP ou BEP.

2 Ainsi Dominique Glasman considère que « il n'y a pas lieu d'assimiler » les sorties du système scolaire sous le même terme (déscolarisation ou décrochage) avant 16 ans et après 16 ans : Dominique Glasman (2004), « Qu'est ce que la déscolarisation ? », in D. Glasman, F. Oeuvrard, La déscolarisation, La Dispute, Paris p. 34

3 Par exemple, Mathias Millet et Daniel Thin parlent des ruptures scolaires comme « ruptures d'un lien scolaire conforme dans sa forme à ce que l'école exige » : Mathias Millet et Daniel Thin (2005), Ruptures scolaires, PUF, Paris.

4 Voir Stéphane Bonnéry, (2003), « Le décrochage scolaire de l'intérieur : interaction de processus sociaux,cognitifs, subjectifs et langagiers », Les sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle, vol. 36, n°1, pp. 38-56.

5 Si on adopte ce point de vue, le décrochage est défini de la même manière que dans les travaux nord américains. Par exemple Janosz et alii : « dropout are people who by the age of 22 ave not completed the minimal requierments for the high school diploma”, (Michel Janosz, Marc Le Blanc, Bernard Boulerice, Richard E. Tremblay (2000), « Predicting different types of school dropouts : a typological approach with two longitudinal samples », Journal of Educational Psychology, vol 92, n° 1, p 173.

6 Cycle d'insertion professionnelle par alternance. Destiné aux jeunes de plus de 16 ans non diplômés, ce dispositif vise formellement à les « remotiver », à préparer leur projet, pour favoriser un retour dans le cursustraditionnel ou une entrée en formation qualifiante ou en emploi.

7 Module de repréparation à l'examen par alternance destiné aux élèves ayant échoué à deux reprises aux épreuves du baccalauréat.

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