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Éléments d’une histoire du modèle de l’égalité des chances dans le cas de l’instruction publique genevoise et des sessions de la Conférence internationale d’éducation (CIE) du Bureau international d’éducation (BIE) consacrées à l’enseignement secondaire 1

Par adminDernière modification 19/06/2006 23:10

Communication de Charles Magnin pour l'atelier 1 "Mise en perspective historique : l'étude de la manière dont le modèle de l'égalité des chances s'est construit aide-t-elle à expliquer la manière dont il se délite ?"

Charles Magnin
Professeur d'histoire de l'éducation, Section des sciences de l'éducation
de la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève
charles.magnin@pse.unige.ch


Notre réponse à la question qui fait l'objet de l'Atelier cité en marge sera positive. On la fondera sur une analyse des débats parlementaires du canton de Genève concernant l'égalité d'accès à l'instruction, entre 1927, date du premier refus parlementaire genevois de l' « Ecole unique », et 1977, année où le même parlement inscrivit, parmi les buts que doit poursuivre l'instruction publique, celui de « lutter contre l'inégalité des chances de réussite scolaire des élèves dès les premiers degrés de l'école ». On montrera comment on est passé d'une décision à l'autre en soulignant que ce renversement de perspective a eu lieu en raison de l'addition, possible un instant, d'intérêts très différents constitués respectivement par la nécessité d'une élévation du niveau moyen de formation du plus grand nombre pour satisfaire les besoins de travail qualifié d'une économie alors en pleine expansion, et par la nécessité politique et sociale, davantage reconnue à gauche qu'à droite, d'une modification de la composition sociale des élites à l'heure où le communisme, voire le gauchisme, apparaissaient comme des alternatives possibles au capitalisme et à la « démocratie bourgeoise ».

On montrera ensuite que ces deux conditions d'émergence et de développement du modèle de l'égalité des chances ont disparu dans les années quatre-vingt pour être remplacées alors par, d'un côté, le « bouchage » structurel de l'horizon économique et, de l'autre, la disparition dès avant 1989, de toute concurrence des modèles politiques soviétique (du fait de l'implosion de l'URSS) et gauchiste (du fait de diverses dérives, y compris la lutte armée en Italie et en Allemagne surtout).

Il nous semble cependant qu'il faut aller au-delà de cette double inversion pour expliquer le délitement de ce modèle. Et ne prenons pas ce délitement pour la fin d'une égalité des chances qui serait advenue car nous savons bien que les bilans que l'on peut faire de la progression de l'égalité des chances, entendue au sens strict de ce terme, au cours des quarante-cinq dernières années, sont controversés, voire mitigés, ce qui constitue à nos yeux une cause supplémentaire majeure du délitement du modèle constatable aujourd'hui. En effet, qui, en dehors des principaux intéressés, i. e. les « classes populaires autochtones » et bientôt « étrangères », peut bien avoir intérêt à défendre à tout prix un étalon de l'efficacité « démocratisante » (politiquement et socialement) des systèmes d'enseignement qui renvoie à la plupart des acteurs de ces systèmes l'image d'un échec patent de leur action.

C'est ainsi que le délitement du modèle ne signifie pas nécessairement une diminution statistique de l'égalité des chances, ni qu'il existe aujourd'hui une telle perception au plan de la conscience sociale de ces réalités. Car c'est une autre caractéristique de ces données, du moins dans le cas de Genève, que d'avoir une existence sociale quasi nulle. Ces chiffres et leur manipulation sont la propriété des seuls experts et des journalistes, ainsi que des politiciens, qui en usent tous très politiquement. Tandis que les premiers concernés, les enseignants, n'en ont aucune conscience claire, de même que les parents d'élèves, et ceci pour la bonne raison que les responsables administratifs et politiques des systèmes scolaires, de même que les chercheurs, et c'est leur grand tort à tous, ont bientôt cessé, contrairement à ce qui s'était passé au début des années soixante-dix, de faire de la progression ou de la régression statistique de l'égalité des chances la mesure communicable, et à communiquer, de l'efficacité ou non de tel ou tel système d'enseignement. C'est peut-être ce vide que les évaluations de type PISA sont venues remplir, mais dans de tout autres perspectives que la mesure de la progression ou de la régression de l'égalité des chances.

Tant et si bien qu'à Genève aujourd'hui, la plupart des acteurs de l'éducation ­– de l'opinion publique aux politiciens en passant par les parents d'élèves et les enseignants, ainsi que par plus d'un chercheurs, ne parlent plus de l'école que sur un mode hyperémotif et anecdotique, angoissé souvent (et légitimement si l'on songe aux parents, vu la perception de beaucoup que la vie des enfants sera plus dure que celle de parents qui, peu ou prou, ont le sentiment d'avoir vécu au moins un début d'ascension sociale). Résultat de ce processus dans le cas genevois qui nous occupe : la majorité conservatrice du parlement vient de voter un projet de loi qui, s'il est approuvé par le peuple le 24 septembre prochain, signifiera le retour pur et simple à l'école primaire sélective que les années soixante avaient abolie, ce qui serait le comble dans ce haut lieu des sciences de l'éducation que constitue Genève, et ce depuis près d'un siècle bientôt si l'on songe à la fondation en 1912 par Edouard Claparède (1873-1940) de l'Institut des sciences de l'éducation qu'il allait placer sous les hospices du Jean-Jacques Rousseau de l'Emile.

Comment s'expliquer cette régression qu'un sursaut de l'opinion réussira peut-être in extremis à empêcher ? C'est peut-être que pour progresser les économies nationales européennes n'ont plus besoin de former de grandes quantité de cadres, fussent-ils d'un genre nouveau. Elles trouvent toutes les compétences dont elles ont besoin ailleurs sur le marché mondial, à bien meilleur prix. Du même coup, on assiste aujourd'hui ce nous semble, du moins dans le cas de Genève, à une volonté croissante, dans la fraction des classes moyennes qui a vécu une ascension sociale mais qu voit qu'elle n'ira pas de soi pour ses enfants, de limiter précocement et aussi drastiquement que possible le nombre de compétiteurs pour les rares bonnes places qu'offrira demain l'économie suisse en Suisse, car les gens ne tiennent pas tant que cela à s'exiler pour travailler. En effet, en septembre 2006, nous voterons pour ou contre la restauration, à l'école primaire, d'une moyenne de passage (4 sur 6) pour avancer d'un degré au suivant, ce qui entraînera très probablement de nombreux redoublements précoces, dont on sait statistiquement combien ils sont pénalisants pour la poursuite d'études secondaires supérieures, ce qui est bien le but recherché par ces forces conservatrices qui se défient aussi des savoirs scolaires contemporains, quand bien même ils servent, à tant d'égards, leurs véritables intérêts à court, moyen et long termes.

Au terme de cette enquête historique, on cherchera aussi à établir par quel(s) modèle(s) le modèle de l'égalité des chances a été et tend à être remplacé de nos jours et comment ce(s) nouveau(x) modèle(s) s'articule(nt) avec lui.

In fine, on voudrait encore au moins esquisser la mise en relation de cette histoire genevoise avec celle que donne à voir la quinzaine de sessions de la Conférence internationale de l'éducation (CIE) du BIE consacrées à l'enseignement secondaire, entre la première, qui date de 1934, et celle que le BIE/UNESCO a réunie, à Genève toujours, en septembre 2004, pour discuter de la thématique « Une éducation de qualité pour tous les jeunes (12 - 18 ans) ». Ici également, on cherchera à voir plus particulièrement quelles notions ont succédé à celle d'égalité des chances dans le concert international relatif à l'enseignement secondaire, ce qui devrait éclairer d'une autre façon encore le délitement du modèle de l'égalité des chances. On se référera pour ce faire aux nombreuses publications du BIE auxquelles chacune des sessions de la CIE donne lieu.

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