Chantal Berthoud
Genève
rend une thèse de doctorat en histoire (Université de Genève) dont le titre est: «Une école «élitaire» pour tous ou le péril de l'École moyenne. Une histoire du secondaire obligatoire à Genève (1927-1977)»
chantal.berthoud@treenations.org

Le Cycle d'orientation de l'enseignement secondaire genevois ouvre ses portes en 1962, accueillant tous les élèves âgés de douze à quinze ans. Il va remplacer, à moyen terme, toutes les écoles payantes du secondaire I, constituées en une mosaïque d'établissements pratiquement étanches, rendant toute réorientation d'élèves d'une école à l'autre quasi impossible.

Influencé par les recommandations de la Conférence internationale de l'instruction publique, par certains modèles de systèmes scolaires étrangers, par l'apport des sciences sociales et par son histoire personnelle, Robert Hari, premier directeur général du C.O., choisira, dans sa manière d'interpréter la notion d'orientation scolaire, d'aller plus loin que les objectifs assignés par les autorités législatives à cette école. Il postulera des « études longues » pour tous les élèves qui en avaient les capacités, convaincu qu'elles leur offriraient une promotion financière et culturelle.

Certaines études sociologiques ont démontré que la génération actuelle de jeunes enseignants n'a plus foi dans les idéologies collectives autour desquelles ont pu se réunir les générations précédentes. De nombreux enseignants estiment aujourd'hui que la justice en éducation relève de l'utopie, ce qui les rend réticents devant le principe des grandes réformes d'ensemble. 1

Nous avons donc choisi de mettre en lumière pourquoi et comment les pionniers des débuts du C.O. ont tenté d'abolir les pratiques scolaires sélectives au niveau du secondaire

I. Dans un premier temps nous nous attacherons à analyser la philosophie du directeur général et des pionniers du Cycle d'orientation en matière de démocratisation des études et d'égalité des chances. Nous tenterons de comprendre à quelles sources ils alimentaient leur idéal. Dans un deuxième temps, nous étudierons la manière qu'utilisera cette école pour donner « toutes ses chances» à chaque élève, en dépit de la pression des milieux économiques et des écoles encore non réformées. Cette réflexion sur les représentations, les choix, les stratégies et l'histoire propre des acteurs du système éducatif d'il y a quarante ans nous paraît pouvoir suggérer une explication à la manière dont le modèle de l'égalité des chances se délite aujourd'hui.

1 Voir van Zanten, Agnès, « Jeunes profs : la fin des grands idéaux ? », dans : Fournier, Martine, Troger, Vincent (coord.), Les mutations de l'école. Le regard des sociologues , Sciences humaines Editions, 2005, pp. 111-115