Axel Augé,
Maître de conférence en sociologie, Université de Rennes II-ESM Saint-Cyr
axel.auge@st-cyr.terre.defense.gouv.fr

L'École Spéciale Militaire de Saint-Cyr (ESM Saint-Cyr) a connu depuis sa création en 1802 de nombreuses réformes de son mode de recrutement et de la formation qu'elle dispense aux élèves officiers. L'adaptation aux évolutions profondes de l'environnement et la satisfaction des besoins nouveaux de l'armée de terre, aujourd'hui professionnalisée et résolument engagée vers la projection intérieure et extérieure, ont placé sur le marché concurrentiel de la formation des élites militaires de la Nation, une catégorie longtemps restées à la marge : les élèves officiers désormais confrontés aux nouveaux enjeux de formation des élites nationales.

Cette communication explore, à partir d'une analyse au confluent de la sociologie militaire et de la sociologie de l'éducation, les nouveaux modes de formation des futures élites militaires françaises en prenant comme site d'observation École Spéciale Militaire de Saint-Cyr située sur le camp de Coëtquidan. Elle plaide l'idée que la « réforme de la scolarité ESM 2002 » a amplifié le processus d'académisation des cursus et d'internationalisation des parcours de formation en référence permanente à la spécificité militaire. Ce phénomène d'académisation du cursus de formation des élèves officiers réduit la distance culturelle entre l'ESM Saint-Cyr et les autres grandes écoles dans la perspective d'un dialogue plus développé entre les futures élites civiles et militaires.

Nous montrerons que la réforme de la formation dispensée à l'ESM Saint-Cyr repose sur deux logiques complémentaires. La première est d'ordre institutionnel et met en valeur l'ouverture croissante de École Spéciale Militaire de Saint-Cyr à la société civile, en particulier en renforçant les liens avec les universités et les grandes écoles. Cette logique repose sur deux éléments : d'abord l'établissement d'un programme d'externalisation d'une partie des élèves vers des établissements civils d'enseignement comme l'université de Rennes II, l'Institut de gestion de Rennes (IGR) ou encore Sciences Po Rennes et Paris, puis la mise en œuvre d'une politique de recrutement universitaire destinée à augmenter la masse d'enseignants chercheurs établis à l'ESM Saint-Cyr.

La seconde logique est d'ordre organisationnel et repose aussi bien sur une intégration de la dimension internationale de la formation que sur la refonte des filières et des curricula. L'internationalisation de la formation conduit les élèves officiers à séjourner un semestre durant (trois mois) à l'étranger accueillis aussi bien par des établissements universitaires civils que par des académies militaires ; alors que l'ancienne scolarité ne dédiait que trois semaines à la mobilité internationale.

La méthodologie est à la fois quantitative et qualitative. La méthodologie quantitative repose sur l'administration de questionnaires auprès d'une promotion élèves officiers, forte d'environ 160 individus. Elle est complétée par une approche qualitative : 20 entretiens semi-directifs (N=20) ont été réalisés auprès du personnel d'encadrement impliqué dans la formation (officiers supérieurs formateurs, enseignants et enseignants chercheurs civils).

La mise en œuvre de nouveaux cursus de formation à l'ESM Saint-Cyr contribue-t-elle à rapprocher culturellement l'école militaire des autres établissements de formation académique ? Le grade de master obtenu, à l'issue de leur formation, par les élèves officiers de la filière « management des hommes et des organisations » et le diplôme d'ingénieur qui sanctionne le cursus suivi par les élèves de la filière « science de l'ingénieur » contribuent-ils à diminuer la spécificité militaire  de Saint-Cyr ? Quelle est l'importance de la formation académique à l'ESM Saint-Cyr ? Comment la formation des futurs élites militaires s'est-elle internationalisée ?

Nous tenterons de répondre à ce questionnement en replaçant la formation de l'officier dans le contexte plus général de la sélection des élites à l'heure de leur internationalisation.