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Pourquoi l'un et pas l'autre ? Les enfants et la réussite scolaire

por adminÚltima modificación 19/06/2006 22:59

Communication d'Antonietta Migliore pour l'atelier 9 "Quels rapports entre une sociologie de l'enfance et une sociologie des inégalités ?"

Antonietta Migliore
Université de Turin
Département de Sciences Sociales
antonietta.migliore@unito.it

Comment expliquer qu'un enfant réussisse à l'école plutôt qu'un autre? Quels sont les éléments et les situations qui favorisent la réussite scolaire des enfants ?

Même si sur une grande échelle les facteurs socioculturels mettent en évidence le caractère ascriptif Pisati, 2002) de la réussite scolaire (comme l'accès aux écoles prestigieuses vingt-trois fois supérieur pour ceux qui sont issus de familles favorisées, selon Terrail 2002) toutefois, ils ne semblent pas répondre efficacement et de façon exhaustive à cette inconnue, confirmant en cela ce que les critiques à les théories de la reproduction culturelle soutiennent déjà depuis des décennies. Si on s'éloigne d'un modèle déterministe, il s'agit alors de repérer les éléments relatifs au style éducatif des parents (Kellerhals et Montandon, 1991; Pourtois et Desmet, 2004) et surtout les stratégies métacognitives (Büchel 1995; Albanese 2003) que les enfants utilisent en tant qu'acteurs du processus éducatif (Sirota, 1998; Corsaro, 2005; James et Prout, 2004) pour faire face efficacement à l'apprentissage scolaire.

Les résultats ont été obtenus d'après une étude effectuée à Turin (au nord-ouest de l'Italie) en 2005 ;elle s'inspire d'une enquête coordonnée à Genève par Cléopâtre Montandon qui avait demandé à des élèves de l'école primaire d'exprimer leur point de vue sur l'éducation (Montandon, 1997). Même si l'enquête menée en Italie a également un but comparatif, elle revêt des caractéristiques propres puisqu'elle concentre son attention essentiellement sur la réussite scolaire .Cette étude porte sur les élèves de deux écoles: l'une située dans un quartier ouvrier et l'autre dans un quartier résidentiel. Par ailleurs, les entretiens ont été effectués auprès des enseignants, des parents ainsi que d'enfants en situation de handicap que la réglementation italienne intègre dans les classes.En outre, des enfants issus de l'immigration récente ont été interviewés grâce à la médiation linguistique de leurs compatriotes fréquentant la même classe.Cette enquête prend donc appui sur la dernière classe du cycle de ces deux écoles primaires autrement dit, les vingt élèves de l'école située en milieu ouvrier et les dix-huit élèves de l'école située dans un quartier résidentiel, mais également respectivement neuf et six parents des deux écoles qui se sont portés volontaires (toutes des mères), trois et trois enseignants choisis parmi ceux qui avaient le plus d'heures avec ces classes et qui représentaient donc un point de repère.Les résultats découlent principalement de l'analyse qualitative des entretiens approfondis avec ces enfants, complétés par ceux avec les enseignants et les parents ainsi que par plusieurs éléments d'observation ethnographique non structurée effectuée par l'auteure de cette étude durant son séjour dans ces deux écoles. Ces résultats ont permis d'identifier huit modalités différentes de vivre l'apprentissage scolaire, construites à partir des représentations concernant les études et la vie scolaire. A l'intérieur de ces huit sous-types, quatre dimensions inhérentes aux expériences des enfants ont été répertoriées comprenant également celle relative aux styles des parents qui avaient, dans chaque sous-types, des caractéristiques diverse:

•  styles éducatifs des parents par rapport à la réussite scolaire;

•  organisation dans les études et stratégies d'apprentissage;

•  investissement dans la réussite scolaire et attribution du succès (à des causes internes plutôt qu'externes);

•  interaction sociale à l'école;

•  estime de soi-même, auto efficacité.

Trois modèles principaux composés de plusieurs sous-types ont été définis par rapport au rôle plus ou moins central et à la fonction revêtue par les études.Le modèle dans lequel les études rev êtent une «position centrale» est celui où la vie familiale et personnelle des enfants s'organise totalement autour des études et cela aussi bien en termes de satisfaction et de réalisation personnelle que de tension pour l'obtention de résultats brillants attendus ou encore en termes d'implication forcée pour l'obtention des credentiales éducatives. En fait, ce modèle comporte les trois sous-types suivantes: la «valeur formative», la «performance scolaire» et la «valeur instrumentale».

Dans le modèle où les études ont une «position marginale», on distingue d'autres éléments considérés comme importants dans l'existence des enfants. Il peut s'agir des relations composées de nombreux contacts et fréquentations, dans la version plus mondaine des classes sociales favorisées, à travers lesquelles on maintient un statut élevé ou bien celles qui s'opèrent au sein du clan familial soudé par des dynamiques visqueuses. Enfin, les enfants peuvent mettre les études à l'écart de leurs expériences car ils doivent résoudre d'autres problématiques qui ont à leurs yeux un caractère coercitif. Ce modèle s'articule autour des sous-types suivants: la «position centrale de la vie sociale avec des liens faibles», la «position centrale de la vie sociale avec des liens englués» et le «repliement».

Enfin, dans le troisième modèle où les études sont considérées comme un «défi pour le passage à l'âge adulte», les enfants doivent se débrouiller tout seuls dans les études comme dans la vie.La différence entre les deux sous-types autour desquels il s'articule c'est-à-dire le «modèle culturel de l'autonomie» et le «modèle abandonnique», réside dans le fait que dans le premier cas les enfants se sentent soutenus par la famille qui, unanime, est tournée vers l'amélioration de ses conditions de vie et par le groupe ethnique d'appartenance dans lequel la grande autonomie des enfants est considérée comme une valeur.En revanche dans le second cas, les enfants manquent de références et cela est amplifié par la discordance avec les modèles culturels prédominants qui les entourent.

En résumé, l'analyse des huit modalités différentes utilisées par les enfants pour faire face à l'apprentissage scolaire met en évidence le fait que la réussite scolaire, indépendamment de la provenance socioculturelle, est l'apanage des enfants soutenus par leur famille qui investit sur leur réussite scolaire en termes d'attention et d'encouragement même si elle n'a pas les moyens culturels et linguistiques de les suivre directement. L'aspect prédominant est que les enfants dont les résultats sont satisfaisants (voire en particulier les sous-types «valeur formative» et «modèle culturel de l'autonomie») possèdent une capacité d'organisation en autonomie dans leurs études, ce qui crée un cercle vertueux avec l'estime de soi-même et l'auto efficacité, la réussite scolaire devenant pour eux un élément central pour la construction de leur identité.Les enfants issus de familles en situation de désavantage culturel (par exemple avec un père au chômage et une mère effectuant des emplois intermittents peu qualifiés) ou appartenant à l'immigration (avec une forte motivation vers l'intégration de la part de tous les membres de la famille pour qui la réussite scolaire des enfants devient un moyen de promotion sociale) font également partie de ces modèles.

Enfin, cette étude met en évidence la différence de comportement entre les garçons et les filles puisqu'à égalité de résultats scolaires satisfaisants, les petites filles - indépendamment de leur provenance socioculturelle - sont plus anxieuses quant à leur réussite scolaire.

BIBLIOGRAPHIE

Albanese O., Doudin P.A., Martin D. (a cura di) (2003), Metacognizione ed educazione, Milano, F.Angeli

Büchel F. (1995), “Introduction. De la métacognition à l'éducation cognitive” in Textes de base en pédagogie, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel et Paris

Corsaro W.A. (2005), The Sociology of Childhood, Pine Forge Press; Thousand Oaks

James A., Prout A. (2004) (a cura di), Constructing and reconstructing childhood. Contemporary issues in the sociological study of childhood, Routledge Falmer, London

Kellerhals J., Montandon C., (1991), Les stratégies éducatives des familles. Milieu social, dynamique familiale et éducation des pré-adolescents, Delachaux & Niestlé, Neuchâtel

Montandon C. (1997), L'éducation du point de vue des enfants, L'Harmattan, Paris

Pisati M., (2002), “La partecipazione al sistema scolastico”, in A. Schizzerotto Vite ineguali. Disuguaglianze e corsi di vita nell'Italia contemporanea, il Mulino, Bologna

Pourtois J.P., Desmet H. (2004), L'éducation implicite, PUF, Paris

Sirota R. (1998), “L'émergence d'une sociologie de l'enfance: évolution de l'objet, évolution du regard”, in Éducation et Sociétés. Revue Internationale de Sociologie de l'Éducation. Sociologie de l'enfance 1, N. 2, INRP De Boeck Université, pp.9- 33

Terrail J.P. (2002), De l'inégalité scolaire, La Dispute, Paris

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