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Les lycéens et la justice. Une autre indifférence aux différences ?

por adminÚltima modificación 18/10/2007 15:05

Communication de Patrick Rayou pour le colloque "Déclin de l’institution ou nouveaux cadres moraux ? Sens critique, sens de la justice parmi les jeunes"

 

Une laïcité bien tempérée

Au premier abord les lycéens semblent bien s'inscrire dans le cadre scolaire laïque d'une indifférence aux différences. Ils apportent en effet un soin très grand par les uniformes qu'ils se sont imposés à eux-mêmes, par des modes d'expression tendant à la « tyrannie de la majorité » (Pasquier, 2005), par une « distanciation mesurée » à l'engagement scolaire (Caillet, 2006), à éviter de montrer au sein de l'école des différences qui pourraient être interprétées comme des tentatives de se distinguer socialement de leurs pairs. Ces convergences ne signifient cependant pas une adhésion aux principes de justice sous-jacents aux institutions scolaires ni, surtout, une acceptation de leur mise en œuvre.

La faible implication des élèves dans les divers dispositifs qui, par-delà les diversités d'origine et de trajectoires, les invitent à y construire et déployer leur individualité (Rayou, 1998) indique une appropriation assez particulière des fondements de la laïcité. D'un côté, l'école de la république tente d'imposer une forme spécifique en neutralisant momentanément les différences héritées pour ne récompenser que les talents et les efforts manifestés en son sein (Dubet, 2004). De l'autre, les lycéens ne veulent pas que l'espace et le temps de l'école ne soient que des enclaves de leur existence où ils se préparent à devenir eux-mêmes. Ils essaient d'y faire exister une riche expérience dans laquelle les différences exprimées et cultivées pourraient ne pas se muer en inégalités.

Des différences insupportables

Une grande partie de leurs analyses consiste précisément à discriminer entre des différences légitimes et d'autres qui paraissent peu fondées et dont ils ne veulent surtout pas endosser la responsabilité. Plusieurs évolutions propres au système éducatif et à la place de l'école dans la société peuvent expliquer ce « squat » par les lycéens de l'institution scolaire.

La première paraît manifestement liée à un processus de massification du second degré puis de l'enseignement universitaire qui a mélangé des populations d'élèves rigoureusement triées auparavant sans leur ménager des chances identiques de valider les parcours dans lesquels ils se sont engagés. La seconde peut être trouvée dans la « révolution copernicienne » qui, sur fond de déclin du programme institutionnel (Dubet, 2002), a dévolu aux élèves eux-mêmes le souci de construire leur cursus scolaire (Rayou, 2000). La troisième, de nature curriculaire, est celle qui a fait que les codes d'apprentissage des « sociétés ouvertes » (Bernstein, 1997) se sont généralisés à l'ensemble des programmes, suscitant une sorte d'écart maximum entre les exigences d'autonomie intellectuelle nécessaire à leur acquisition et les réticences de nombre d'élèves à se risquer dans des apprentissages qui exposent (Rayou, 2002). Car c'est bien la double crainte d'un rabaissement de soi et d'une mise à mal de la solidarité entre pairs à l'occasion des épreuves scolaires qui paraît le critère d'appréciation des différences justes et injustes au lycée.

D'une certaine façon, les lycéens, par la distinction qu'ils construisent entre leur vie de personnes et leur vie de scolarisés dans l'établissement, résolvent de manière originale les tensions historiquement apparues entre l'épanouissement de l'identité personnelle subjective et la nécessité d'une identité objective imposée par les relations de classe (Bernstein, 1975).

Principes et perspectives de justice

Une des caractéristiques de la construction lycéenne de la justice semble consister dans une externalisation des causes les plus profondes de l'injustice. L'histoire de leurs mobilisations politiques des quinze dernières années les montre ainsi très soucieux de référer les raisons du rabaissement des personnes ainsi que des divisions entre pairs à une organisation scolaire sur laquelle ils n'ont pas de prises. Ils incriminent aussi une sorte de communauté générationnelle de destin qui les conduit à prendre pied dans le social dans des conditions insatisfaisantes. Les différences constatées entre soi relèveraient d'un rythme différent de développement des personnalités ou de l'investissement préférentiel de tel (e) ou tel(e) dans une voie particulière. Dans les deux cas ce sont les normes évaluatives en vigueur qui stigmatisent de façon assez arbitraire les particularités.

Cet accord sur les causes externes ne les empêche pas d'être vigilants face à la possibilité qu'ils auraient d'en être les relais complaisants au sein de leur communauté. Leur faible adhésion à une morale institutionnelle ne signifie pas l'anomie, mais une approche conséquentialiste de la justice ( Anscombe, 1958) . Loin d'attribuer aux adultes qui les encadrent toute la responsabilité des situations d'injustice, ils sont prêts à admettre que leurs propres actes puissent aggraver les situations et édictent des règles informelles de comportement ainsi que des moyens de les faire respecter.

Leur construction de la justice semble procéder de proche en proche (Rayou, 2007), des contextes les plus locaux à ceux d'une société mondialisée. Il leur faut pour cela développer des talents de passeurs qui maîtrisent les différentes logiques d'engagement (Thévenot, 2006) nécessaires aux déplacements entre l'école, dont l'exterritorialité n'a plus de sens pour eux, et le reste du monde.

Confrontés aux questions classiques des différences et de la justice à l'école, les lycéens tentent, avec des succès divers selon leurs caractéristiques sociales et celles de leurs établissements, de développer des perspectives qui leur permettent de s'inscrire dans l'institution sans en partager tous les principes et sans y contrevenir formellement. Ces comportements peuvent susciter des malentendus avec les adultes qu'une approche de leurs modes de construction spécifiques peut aider à éclairer.


Bibliographie

Anscombe, G., (1958), « Modern Moral Philosophy », Philosophy, 33 : 1-19.

Bernstein B. (1997). « Écoles ouvertes, société ouverte ? » in Forquin J.-C.  Sociologues américains et britanniques , Bruxelles-Paris : De Boeck-INRP.

Bernstein B. (1975), « Classe et pédagogies : visibles et invisibles », Études sur les sciences d'apprentissage 2 , CERI-OCDE.

Caillet V. (2006), « Sentiment d'injustice et expérience scolaire », in Obstacles et succès scolaires , M.D.Vasconcellos (dir.), Université Lille 3, 27-45.

Dubet F. (2004), L'école des chances. Qu'est-ce qu'une école juste  ? Paris : Le Seuil.

Dubet F. (2002), Le déclin de l'institution , Paris : Le Seuil.

Pasquier D. (2005), Cultures lycéennes. La tyrannie de la majorité . Paris : Autrement.

Rayou P. (2007), « De proche en proche, les compétences politiques des jeunes scolarisés », Éducation et Sociétés , n° 19.

Rayou P. (2002), La "dissert de philo". Sociologie d'une épreuve scolaire . Rennes : PUR.

Rayou P. (2000), « L'enfant au centre, un lieu commun pédagogiquement correct », in Derouet J.-L. dir., L'école dans plusieurs mondes Paris-Bruxelles, : INRP-De Boeck. 245-274.

Rayou P. (1998), L a Cité des lycéens, Paris : L'Harmattan/Débats/Jeunesses.

Thévenot L. (2006), L'action au pluriel. Sociologie des régimes d'engagement . Paris : La Découverte.

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