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Effets secondaires. Le débat sur la réforme du cycle intermédiaire en Espagne

Par adminDernière modification 23/06/2006 23:12

Contribution de Mariano Fernandez Enguita

Mariano Fernández Enguita

Département de Sociologie, Université de Salamanque

 

En Espagne, la loi Générale sur l'Education (LGE) de 1970 établit un enseignement commun de 6 à 14 ans en le concentrant sur les anciennes écoles primaires, clairement séparées des secondaires (Lycées et Etablissements d'Enseignement Professionnel). Ce modèle a perduré jusqu'en 1990, année où la Loi d'Organisation Générale du Système Educatif (LOGSE) a créé le cycle intermédiaire de l'Education Secondaire Obligatoire (ESO), de 12 à 16 ans, qui se situe entre l'Ecole Primaire et le Baccalauréat. Bien que l'on ait adopté différentes formules, dont la création de nouveaux centres spécialisés, ce nouveau cycle a rejoint les centres du primaire, ou bien a été réparti entre les centres du Baccalauréat et ceux de la Formation Professionnelle ou encore, a disposé d' installations vacantes. C'est cette organisation qui a été le plus souvent adoptée dans l'enseignement public ; en ce qui concerne l'enseignement privé, compte tenu que la plupart des centres comprenaient déjà primaire, lycée (et parfois enseignement professionnel), il n'y a pas eu de problème pour l'intégrer.

Depuis, le débat à ce sujet n'a pas cessé. Tout d'abord, les grands partis de gauche et de droite se sont affrontés à propos de l'opportunité d'amplifier le tronc commun, les premiers étant pour et les seconds contre, bien qu'il y ait eu des différences au sein même des partis du même bord. En second lieu, la question a divisé les enseignants eux-mêmes, avec une majorité de professeurs des écoles pour et de professeurs contre (en particulier ceux du second cycle). Il est facile d'imaginer ce qu'il y a derrière ces alignements.

Dans le contexte plus particulièrement politique, ce sont deux conceptions de la société qui s'affrontent, en termes comparatifs, l'une étant égalitaire et l'autre darwiniste. Pour la gauche, l'école est un des moyens sociaux les plus valables qui puissent se redistribuer et, plus encore, la clé principale de la redistribution de tous les autres, en particulier l'accès à l'emploi et de tout ce qui s'y associe.

On peut dire aussi, que le fait que la LGE ait été une loi du franquisme tardif l'a condamnée dès le début à être considérée comme une loi anti-égalitaire et à être la cible de toutes les attaques de la gauche -même si on reconnaît aujourd'hui que, sur bien des points, elle a été une loi raisonnable et en avance sur son époque, plus influencée par les idées technocratiques des organisations internationales que par l'orientation fasciste de la dictature-. Pour la droite, c'est en partie de leur vision de la nature des choses que les personnes héritent ou développent précocement des capacités très diverses et cela doit se retrouver dans une éducation séparée et distincte, appropriée à des positions sociales différentes, pourvu que cela se manifeste comme un processus non seulement de sélection mais de reproduction sociale ; et nombreux étaient ceux qui pensaient que dans la LGE elle-même, on était allé trop loin dans l'extension du tronc commun.

Dans le domaine professionnel ce sont deux traditions culturelles et deux ensembles d'intérêts distincts qui s'affrontent : la tradition de l'enseignement est égalitaire (peu d'éducation mais pour tous), tandis que parmi les enseignants du Baccalauréat elle est méritocratique (beaucoup d'éducation mais pour les élus). Bien que tous pourraient se mettre d'accord sur le fait que les élèves devaient commencer par être ensemble avant de suivre des voies différentes, on est loin d'avoir trouvé un accord sur les points suivants : où doit commencer la séparation, à quels rythmes ou selon quels critères ; et même, parfois, il s'avère difficile d'arriver à discuter de façon sensée. D'autre part, les maîtres ont une formation limitée sur les contenus mais sont conscients que dans l'éducation il y a un problème de méthode pédagogique, alors que les professeurs du secondaire ont une formation plus étendue et approfondie dans leur spécialité mais ont peu, voire pas de formation d'éducateur.

De plus, la réforme favorise les intérêts professionnels des maîtres tandis qu'elle altère les conditions de travail des professeurs du secondaire. Pour les premiers, elle représente une possibilité de promotion professionnelle : accès aux plus prestigieux centres d'enseignement et à de meilleures conditions de travail etc., tout en faisant les mêmes cours (ceux qui avant étaient au niveau 7 et 8 de EGB Education Générale de Base sont aujourd'hui en 1er et 2 ème niveaux de ESO Education secondaire d'Orientation ). Pour les professeurs de Baccalauréat, au contraire, cela correspond à l'arrivée dans leurs classes de 3ème et 4 ème niveau de ESO d'élèves qui selon eux ne seraient pas parvenus au 1 er et 2 ème niveaux de Baccalauréat. Les anciens professeurs de FP ont des positions plus équivoques à propos de leur propre formation, il faut distinguer les diplômés avec des licences universitaires qui sont les homologues des professeurs de Baccalauréat et les chefs d'atelier qui sont issus de la filière professionnelle ; compte tenu de leur expérience, ils sont habitués à travailler avec cette partie des élèves qui sont rétifs à tout ce qui a un rapport au Baccalauréat.

A propos de la ESO, on a débattu et on le fait encore sur le maintien d'un tronc commun ou l'orientation des élèves, à 12-13 ans mais surtout à 14 -15 ans, et au-delà sur le contenu des programmes, les méthodes d'enseignement et d'apprentissage, la pertinence même des problèmes pédagogiques, l'évaluation, le passage ou le redoublement, l'autonomie des enseignants, le niveau et le rendement académiques etc.…

La polémique a atteint son apogée quand, il y a trois ans, les conservateurs au pouvoir, ont approuvé le Loi de Qualité de l'Education (LOCE), que peu de temps après, les socialistes à leur tour au pouvoir, ont remplacée par la Loi Organique de l'Education (LOE). Mais ce serait une erreur de croire qu'il s'agit d'un simple combat politique, bien que les grands partis, tour à tour dans l'opposition, se soient empressés de mener une guerre d'usure au gouvernement en s'appuyant sur les mécontentements sociaux et professionnels pour ensuite abroger la loi de leurs prédécesseurs.

De plus, l'âpreté du débat, caractéristique de la politique espagnole actuelle, ne doit pas occulter que la gauche et la droite ont rapproché leurs vues sur ce thème- ou plus exactement ont arrondi les angles de leurs positions antérieures- de sorte que les conservateurs ne remettent plus directement en question l'intégration et les socialistes ne font plus la fine bouche devant la diversification durant la période de l'enseignement obligatoire; ainsi une bonne partie de l'affrontement politique dans le domaine de l'éducation tourne plutôt autour de thèmes bien différents, comme la laïcité ou l'enseignement confessionnel, le financement de l'école privée, la répartition des compétences entre nation et régions…

C'est avant tout un débat à l'intérieur du corps enseignant lui-même et entre les agents sociaux impliqués dans l'éducation, parmi les organisations professionnelles et entre les analystes et experts de ce secteur. On pourrait dire que la gauche, qui à d'autres moments a été réticente à l'idée de faire du système éducatif le champ de l'égalité des chances (en croyant qu'en réalité, il s'agissait d'un jeu dont les cartes étaient biseautées et qu'y entrer ne pouvait que supposer créer de fausses espérances et se dévier des véritables problèmes sociaux), a fini par assimiler le réformisme pédagogique supporté par les enseignants, tandis que la droite est devenue le porte-voix de la résistance des enseignants du second cycle face à son universalisation et uniformisation.

En fait, sur ce dernier point qui nous occupe à présent, tout l 'argumentaire de la proposition législative des conservateurs (et des syndicats enseignants les plus corporatistes) semblait directement tiré des bavardages de conseils de professeurs, tandis que les partis de gauche (et les syndicats de classe) ont été souvent surpris par les prises de positions anti-réformistes de la plupart de leurs adhérents.

S'il faut résumer en quelques lignes les effets de la réforme de l'enseignement secondaire entamée dans les années 90, on pourrait dire ce qui suit. D'une part, on est parvenu à universaliser l'éducation jusqu'à 16 ans, avec des taux d'échec inférieurs à ceux qui, il y a un quart de siècle, ravageaient le système éducatif non pas à 14 mais à 16 ans. Cependant, d'autre part, il y a eu un net sursaut tant dans les classes moyennes, qui fuient toujours plus l'école publique pour aller vers le privé ; que parmi les professeurs d'enseignement secondaire, qui se plaignent d'une massification inappropriée (mais pas de la croissance du corps enseignant qui a été supérieure et plus rapide que celle des élèves)

Suivant ce processus, les réformes éducatives suscitent toujours moins de consensus et plus de scepticisme. La LOGSE a été approuvée en 1990 avec l'appui de toutes les forces politiques excepté le Parti Populaire qui s'est abstenu. La LOCE a été approuvée en 2003 avec les seuls votes du Parti Populaire. La LOE le sera aussi en 2005 ou 2006, avec sans doute une majorité confortable, mais face à l'indifférence grandissante des enseignants et au désarroi de la société.

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