Outils personnels
Vous êtes ici : Accueil Colloques Colloque La sociologie de l'éducation et les recompositions de l'État à l'heure de la globalisation et de la construction européenne La formation tout au long de la vie : nouveau pilier des dispositifs européens de protection sociale ?
A la une

Culture commune socle commun
Culture commune
socle commun

Quatre séminaires et un colloque international à l'INRP dans le cadre de la recherche « De la culture commune au socle commun ».

Plus d'informations


Projet NESSE

L'INRP a remporté l'appel d'offres de la commission européenne intitulé : Réseau européen d'experts en sciences sociales de l'éducation et de la formation (NESSE : European network of experts in the social sciences of education and training).

Plus d'informations

 
Actions sur le document

La formation tout au long de la vie : nouveau pilier des dispositifs européens de protection sociale ?

Par Florent BickDernière modification 16/11/2010 15:41

VERDIER ÉRIC

LEST, Cnrs et Universités d’Aix-Marseille I et II

La formation tout au long de la vie : nouveau pilier des dispositifs européens de protection sociale ?

Ce cadrage normatif laisse donc une assez large place à l’interprétation des acteurs nationaux, sectoriels et régionaux qui peut déboucher sur des régimes de responsabilité différents et même antagonistes (voir ci-après).

. Il est bien difficile d’en prédire le cours : d’une part, les dépendances de sentier sont plus ou moins accusées d’un pays à l’autre, d’autre part, la rhétorique européenne est elle-même ambivalente, sous les influences montantes de « l’universalisme » (voir la société de la connaissance) et du « marché organisé » de la « troisième voie » à la Giddens, tandis que s’affaiblit la référence au modèle professionnel, jugé lourd et contraignant pour la liberté de choix individuel.

Progressivement l’idée d’une « éducation et formation tout au long de la vie » (EFTLV) s’est imposée comme une orientation politique majeure des « stratégies » européennes issues de la coopération inter-gouvernementale, celle de l’emploi et celle dite « de Lisbonne » (maintenant « Stratégie Europe 2020 ». Cette nouvelle économie européenne des idées s’appuie sur des référentiels difficilement contestables au regard de leur formulation la plus générale. Cette légitimation par le flou résulterait de la capacité de ces référentiels à faire co-exister différents régimes d’action. Ainsi le titre de la résolution adoptée par le Conseil européen de Bruxelles en 2003 - « systèmes différents, objectifs partagés » - témoigne bien de la nécessité de composer - au moins dans un 1er temps - avec la diversité des dispositifs nationaux. D’ailleurs le principe même de la méthode ouverte de coordination, dispositif procédural qui soutient la mise en œuvre de la stratégie européenne, n’est-il pas de ménager une certaine souplesse d’interprétation ?

Ainsi ces idées « européennes », appuyées sur des procédures ad hoc, se distingueraient par leur capacité – premier niveau de performance socio-politique - ou mieux, à dialoguer – second niveau de coopération organisée - avant, éventuellement, de les faire interagir pour produire des configurations originales (3ème niveau d’apprentissage institutionnel). Ce réalisme institutionnel intègre le fait que plus sans doute que tout autre secteur, l’éducation et la formation excipent de spécificités sociétales qui induisent une forte « dépendance de sentier ».

Pour autant, il serait bien insuffisant de se limiter à une lecture qui n’y verrait que les reflets de l’impuissance d’un discours incantatoire, prisonnier des égoïsmes nationaux et de l’inefficacité bureaucratique de la Commission.

Si elles ne prescrivent pas, ces idées cadrent les réformes nationales autour d’orientations clés qui sont appelées à soutenir la construction de l’employabilité des personnes, notion qui, elle-même, fait l’objet de nombreuses définitions :

- L’accent mis sur le nécessaire développement des initiatives des individus au sein et au-delà même des systèmes de formation ;

- La promotion des compétences (plutôt que des qualifications), soit une orientation qui peut recouvrir des réalités et des projets politiques très différents, selon les contextes en cause.

Plutôt qu’une convergence qui ne saurait être décrétée, il s’agit, à partir d’un étalonnage des pratiques existantes (« ranking for blaming and shaming »), de favoriser une réflexion commune (second niveau d’apprentissage institutionnel) qui puisse trouver une application différenciée en fonction des hétérogénéités initiales : partant du constat de la force d’héritages historiques diversifiés, cette démarche reconnaît bon an mal an la légitimité d’interprétations politiques plurielles. Ainsi cette « herméneutique européenne » organise de facto une confrontation entre différentes conceptions en acte des « bonnes manières d’agir ».

Il reste que peu ou prou c’est l’ensemble de la trajectoire d’apprentissage de chaque personne qui est ainsi référée à la régulation du marché du travail : aucun sanctuaire institutionnel, tel que l’enseignement de base, ne saurait échapper aux ré-examens qu’appelle cette appréhension exhaustive des manières et des occasions durables ou ponctuelles d’apprendre dans la perspective de l’accès à l’emploi et de l’inclusion sociale. A ce décloisonnement des divers types de formation, s’ajoute un décloisonnement sectoriel qui ne fait encore que s’amorcer.

D’ailleurs on fait ici l’hypothèse que la fortune politique croissante de cette « idée » résulte notamment de la résonance qu’elle a trouvée dans la réflexion sur l’évolution de la protection sociale. En effet elle favoriserait l’établissement de nouvelles modalités de couverture des risques sociaux et notamment de l’emploi, qu’il s’agisse de l’exposition au chômage ou de l’obsolescence des qualifications, source de transitions difficiles sur le marché du travail ou même d’exclusion sociale. Cette problématique des risques fait écho aux débats sur les modalités de passage d’une approche de la protection sociale « focalisée sur les statuts à une approche centrée sur les individus ». A ce titre, l’EFTLV ne serait-elle pas appelée à devenir une composante majeure du possible « Social Investment State » (« État social actif ») susceptible de se substituer à l’État-Providence instauré en Europe après la seconde guerre mondiale ou encore à compléter ce dernier (Esping-Andersen). A ce titre, « il s’agit de préparer plutôt que de réparer, de prévenir, de soutenir, d’armer les individus (…) » (Palier, 2008, p. 13).

On peut avancer à titre d’hypothèse finale que, dans le cadre d’une politique européenne qui promeut la confrontation des expériences nationales et favorise la circulation d’expériences réussies (« best practices »), plus ou moins replacées dans leurs contextes nationaux, l’hybridation des différents modèles nationaux ira croissante. Dès lors pourrait s’ouvrir un sentier d’apprentissage susceptible de produire, à terme, des configurations originales (3ème niveau d’apprentissage institutionnel, Hall).

Au final l’analyse de la EFTLV ne saurait donc relever de la seule sociologie de l’éducation mais nécessite de s’ouvrir à une ’sociologie du cours de la vie’ » (Guillemard) et à la sociologie de politiques publiques construites à différentes échelles (Gaudin).

Education et sociétés
Numéro 21
Former des élites dans un monde incertain
Coordonné par Yves Dutercq
  • Comité de rédaction
  • Consignes aux auteurs
  • Numéros parus
  • Numéros à paraitre
  • Forum
AISLF
Association internationale des sociologues de langue françaiseComité de recherche n °7 Éducation, Formation, Socialisation
  • Présentation du comité
  • Membres du comité
  • Activités
  • Programme
  • Forum
 

Réalisé avec le CMS Plone, le système de gestion de contenu Open Source

Ce site respecte les normes suivantes :