Expertise, réseaux et instruments de mesure : la fabrication d’une politique européenne de l’éducation
NORMAND Romuald
Expertise, réseaux et instruments de mesure : la fabrication d’une politique européenne de l’éducation
Les lieux de rencontre entre expertise et décision politique sont nombreux dans le cadre de la gouvernance instituée par la Commission Européenne : au sein des comités et des groupes de travail, les experts sont essentiels aux processus de négociation entre la Commission, les Etats-Membres et le parlement européen. Souvent, la recherche du consensus l’emporte sur le conflit : c’est pourquoi la connaissance fournie par l’expertise permet de dépolitiser les discussions tout en proposant une norme commune et acceptable par tous. Dans le cadre de sa stratégie pour l’apprentissage tout au long de la vie, la DG Education et culture a créé ses propres réseaux institutionnels qui servent de point d’appui aux recommandations et aux directives de la Commission mais en parallèle, elle est capable de mobiliser des réseaux plus informels d’experts qui lui permet de faire avancer son propre agenda politique. Cette expertise extérieure à la DG Education & Culture facilite le travail auprès des Etats-Membres : elle permet de stabiliser des interprétations scientifiques sur des modèles, des méthodologies, des instruments de mesure, qui constituent ensuite un point de passage obligé des politiques nationales. Pour analyser la production de connaissances relative à cette expertise, les notions de « policy borrowing » et de « knowledge transfer » utilisées par Jenny Ozga nous apparaissent pertinentes. Il s’agit bien d’un emprunt fait par la Commission de dispositifs ou de technologies politiques qui ont été construites ailleurs, à l’échelon local ou national, dans les Etats, ou à l’échelle internationale, au sein d’organisations internationales comme l’OCDE ou la Banque Mondiale. Et il y a bien transfert de connaissances, au sens où les savoirs locaux ou nationaux sont re-problématisés en fonction de nouveaux enjeux et d’un contexte européen, pour être retraduits dans des cadres de connaissance et d’action, ou dans des instruments de gouvernance utiles aux policy-makers européens.